Dvorak à Auvers sur Oise, une grâce inachevée

Dvorak à Auvers sur Oise, une grâce inachevée

Sous une pluie battante, le public s’engouffre et s’ébroue dans la monumentale église Notre Dame d’Auvers-sur-Oise ! Splendeur sobre de l’histoire qui semble remonter à Louis VI le gros, le vaisseau ecclésial est bondé d’un public hétéroclite et fort chaleureux. Habitué des lieux, pour une résidence renouvelée, l’ensemble Accentus ce soir encore nous pousse à braver le ciel bien peu clément.

Pourtant le programme est à son honneur ! Chants à Marie et Motet Varum de Brahms précèdent la fameuse messe en Ré de Dvorak que nous vous présentions la semaine dernière. Agréable soirée assurément ! Mais pourtant, dans le détail, la grâce côtoyait l’inachevé. Ainsi, l’interprétation quelque peu plastique du chœur mais comme toujours d’une grande technicité, mettait en relief cette double inspiration à la fois populaire et raffinée des chants mariaux. L’opus 30 de Brahms malgré des fins de phrases obstinément sèches, fut un véritable moment de grâce. Quoiqu’il en fut de l’orgue lui aussi fort aride, l’ensemble du phrasé portait en lui ce quelque chose de chatoyant. Les voix sortant à merveille les unes des autres nous portaient comme une barque sur les vagues s’élevant et se retirant. Le pauvre Job en revanche fut plus mal loti ! Anguleux, découpé, ce Varum trop théâtral manquait de conviction. L’appel « Varum », lui-même n’était pas assez tranché et se perdait dans un lyrisme coulant. Trop narratif, pas assez expressif, les fins de phrases inlassablement non préparées nous conduisirent à un final confus.

La messe en Ré de Dvorak fit son jeu avec la même grâce inachevée. Selon l’interprétation que nous en donnions récemment, le Kyrie mit parfaitement en valeur l’aspect trinitaire de l’œuvre dans un trois temps enlevé et joyeux en pleine cohérence avec la dédicace du compositeur. En revanche le tempo exagérément précipité du Christe lui fit perdre la solennité de la noire pointée à la Lully, transformée en croche pointée double. Le tout sur ses malheureuses fins de phrases relâchées nous conduit jusqu’à un final plaqué et théâtral qui ne récapitulait en rien cette trinité évoquée tout au long de la pièce. Pareillement ces fins de phrase accentuèrent les ruptures du gloria, sans pour autant gâcher le merveilleux rendu des cloches. Au-delà de ses remarques pointilleuses qui ne suffirent pas entamer le ravissement de cette soirée, il faut surtout souligner la beauté des volutes évocations grégoriennes du credo ou encore le poignant Agnus Dei.

C’est bien une impression de grâce, une atmosphère de paix qui remplissaient encore après le concert cette nef ancestrale qui venait de battre d’un seul cœur sur les doigts de Laurence Equilbey.

Eglise Notre-Dame, Auvers-sur-OIse, 28 juin 2014 Accentus, Laurence Equilbey, direction

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Cyril Brun

Cyril Brun

Cyril Brun est journaliste du vin, critique gastronomique, historien, philosophe et ancien chef d'orchestre Diplômé de maitrise du vin, il est dégustateur et formateur, journaliste et critique gastronomique pour plusieurs magasines ou sites. Titulaire d'une maîtrise en histoire médiévale et d'un doctorat en histoire de l'antiquité, il a été chargé de TD sur Rome et la Grèce archaïque à l'université de Rouen, puis chargé de cours sur la Grèce archaïque et classique, la Mésopotamie et l'Egypte à l’université de Quimper. Les travaux de sa thèse portent sur l'Afrique romaine au IIIème siècle après Jésus Christ, mais il s'est ensuite spécialisé sur la Grèce classique tant pour sa religion que pour ses philosophes. Il parcourt la France pour donner des conférences sur l'anthropologie classique, les peuples mésopotamiens mais aussi la musique, rédiger un guide oenotouristique. Chef d'orchestre depuis l'âge de 16 ans, il a dirigé divers ensemble en se spécialisant dans la musique symphonique (avec une prédilection pour Beethoven) et la musique Sacrée. Il a été directeur artistique et musical de diverses structures normandes : Les jeunes chambristes, la Grande chambre, Classique pour tous en Normandie, les 24 heures de piano de Rouen, le festival Beethoven de Rouen, Le Panorama Lyrique Ces compétences en philosophie, en histoire, en musique, mais aussi en littérature l'ont amené a écrire dans diverses revues musicales ou historiques, comme critique ou comme expert. Poussé par des amis à partager ses nombreuses passions, ils ont ensemble fondé Cyrano.net, site culturel dans lequel il est auteur des rubriques musicales et historiques. Il en est le directeur de la rédaction. Il dirige le site musical CyranoMusique dont il est le propriétaire ainsi que du média culturel Rouen sur Scène. Il est directeur d'émissions culturelles (le salon des Muses) et musicales (En Coulisses), sur la chaîne normande TNVC Il est l'auteur de Le Requiem de Mozart, serein ou Damné ? Les fondements de l'anthropologie chrétienne Une nuit square Verdrel La Vérité vous rendra libre