La soirée promettait d’être intéressante. On l’attendait avec impatience et crainte, disons-le, connaissant l’orchestre de l’opéra de Rouen, ce mercredi 9 novembre 2021.
Une partition redécouverte, donnée en création à l’opéra de Rouen avec le Palazetto Bru Zane (voir notre article), mise en scène par le couturier Christian Lacroix, il y avait de quoi mettre l’eau à la bouche. Et l’attente fut à la hauteur des espérances en matière de costumes. Une version grand couturier des habits d’époque, pleine de couleurs et de lumières, a su donner un véritable éclat à la scène. Un flamboiement de tissus même, tant le nombre des costumes et des changements scène après scène était impressionnant. On imagine sans peine la ruche efficace en coulisse. Cette rosace lumineuse et tournoyante compensait des décors relativement ternes mais dans l’esprit époque eux aussi. La mise en scène, en forme de course tendue vers la résolution de l’histoire, ne laissa aucun temps mort, happant le spectateur dans sa respiration haletante et enivrante. Tout tourne, tourne et la fête se déroule. Telle fut bien l’ambiance de la scène qui manquait cependant de rodage encore. Les chanteurs cherchent leurs marques et hésitent, il faudra du temps pour patiner cette tournée riche d’actions, de gags, de styles et de mouvements.
Pour autant, le style très bouffe retenu, à bon droit du reste, masque la dramaturgie voulue par Offenbach. Le burlesque prend le pas sur l’histoire que le retour aux pièces d’origine ne rend pas vraiment plus nette. Les modifications et suppressions, nécessités de l’époque, n’apportaient finalement guère de relief et on comprend pourquoi, même loin de Paris, le compositeur ne chercha pas à revenir à sa première composition. Les trios inédits sont amusants, mais allongent l’ensemble d’autant plus que musicalement la ligne d’interprétation était décousue et lourde.
Si le Brésilien (Eric Huchet) a su ravir le public de ses deux airs célèbres, si Métella (Aude Extremo) tenait haut le pavé, les autres chanteurs peinaient dans la diction et le rythme Offenbach, quand du moins les détails, non couverts par un orchestre sempiternellement au-dessus des voix, pouvait nous parvenir. Et ici malheureusement, la litanie des déceptions commence. Un orchestre lourd dès les premières mesures, en forme de fanfare bavaroise, souvent en décalage avec la scène, tant pour le rythme que pour le style, des voix pas suffisamment souples, une diction marmonnée ont rendu pénible une soirée qui avait tout pour briller, malgré un original petit ballet que l’on regrettera avoir été trop anecdotique.
Dans la fougue et le brio on fera une place à l’humour décalé du défilé de mode que ne pouvait manquer de proposer Christian Lacroix sur Les Parisiennes. Un public emballé, mais pour autant sans rappel ni ovation debout. Même dans son subconscient, le public sait toujours ressentir la différence entre l’agréable et l’excellence. Assurément la soirée lui fut agréable, mais espérons que les représentations de Tours et Paris hisseront à la hauteur qu’elle mérite cette création pleine de couleur et de vie.