Il est des moments uniques et inédits, de ces moments que vous ne vivez qu’une fois, portés par la grâce de l’éphémère, mais qui pourtant demeureront indélébiles. Sans conteste je viens d’assister à l’un des plus beaux, sinon le plus beau, concerts qui m’ait été donné d’entendre et Dieu sait que j’ai bien dû dépasser les 1500 concerts écoutés depuis que je suis musicien et que j’ai plutôt la réputation d’avoir l’oreille difficile.
Mais là, le public du festival de l’abbaye de l’Epau vient de se trouver plonger dans la quintessence de la musique. Diana Tishchenko et Zoltan Fejervavi ont la technique virtuose c’est vrai. Mais jamais elle ne disparut autant que sous l’âme de la musique faite chaire. Tout ce qu’est la musique, au-delà des notes et des sons se trouvait réuni et magnifié sous les doigts des deux musiciens qui ne faisaient qu’un seul interprète. Une âme commune nourrie par deux talents. Nulle fusion qui lisserait la lecture. Au contraire, une unité féconde jouait le violon comme le piano. L’archet faisait vibrer le clavier, autant que l’ivoire glissait sur le stradivarius.
Cette unité se puisait à la commune maitrise de l’art musical porté, par le pianiste comme par la violoniste au sommet de l’art musical. Le rapport au silence, l’intégration du silence à la partition, la respiration harmonique soulevée à chaque tension harmonique, dans une même évocation.
Tout était là, sublimé par la pureté d’un art maitrisé. Le son sortait du silence pour y revenir avec la pureté d’une dentelle fine. Les accents emplissaient d’une étonnante profondeur la ligne mélodique. Les nuances surélevaient d’une subtile plénitude la construction harmonique. Oui tout était là, comme rarement porté à un tel niveau et plus rarement encore donné d’une seule âme par un duo aussi intimement en accord. Les mots manquent et la relecture de cet article nous désole de tant de pauvreté exprimée pour une telle excellence.