La liberté religieuse : une innovation il y a 17 siècles (3/4)

La liberté religieuse : une innovation il y a 17 siècles (3/4)


    Le système tétrarchique et la grande persécution de 303-311

    En 284, Dioclétien acclamé Auguste par l’armée, organise un système de gouvernement fort sous-tendu par une idéologie enracinée dans la religion traditionnelle. L’Empire est gouverné par un collège de quatre empereurs : la tétrarchie.
    Le pouvoir impérial est fortement sacralisé. La persécution de ceux qui refusent de participer au culte est dans la logique du système : édit contre les manichéens en 297, puis contre des chrétiens, les militaires d’abord, puis en 303-304, quatre édits frappent fonctionnaires, responsables des Églises, simples fidèles : ordre est donné à tous de sacrifier sous peine de condamnation aux travaux forcés, puis de mort. Il y eut de nombreuses victimes. En vain.

    La reconnaissance de la liberté religieuse en deux temps

    Tétrarques. groupe de Venise-1

    Édit de Galère le 30 avril 311 : à la veille de sa mort, Galère qui passe pour le plus acharné et le plus fanatique des persécuteurs, mit fin à la persécution et octroya aux chrétiens la liberté religieuse par un édit général adressé à tous les habitants de l’Empire.

    Les considérants rappellent et justifient le bien-fondé de la persécution, mais l’empereur, qui ne regrette rien, fait un constat d’échec : beaucoup ont été poursuivis, beaucoup ont été frappés ( euphémisme pour évoquer supplices et mises à mort !) mais ce fut en vain puisque « un grand nombre persévèrent ». Force est de constater que le pire est arrivé : ces gens ne vénèrent pas les dieux et nous les empêchons de vénérer leur dieu ; stricto sensu ce sont des athées, un grave danger à l’Empire. L’existence du dieu des chrétiens n’est pas niée et il faut même peut-être craindre son mécontentement.

    L’empereur décide de faire preuve d’indulgence, de clémence, et accorde son pardon : acte politique réaliste dont il attend la reconnaissance de ses sujets.

    La décision est « qu’à nouveau ils puissent être chrétiens et rebâtir leurs lieux de culte » : la liberté religieuse à la fois liberté de conscience, de croyance, et liberté de culte est reconnue. La religion chrétienne devient licite, légale, sous réserve de respecter l’ordre public.

    Il est fait obligation aux chrétiens de « prier leur dieu pour notre salut, celui de l’État et le leur, afin que l’intégrité de l’État soit rétablie partout et qu’ils puissent vivre en sécurité dans leurs foyers ». Il ne s’agit absolument pas d’une laïcisation – notion anachronique – mais d’intégrer le dieu des chrétiens aux dieux protecteurs de l’Empire et de se le concilier pour le bien de tous. Les chrétiens bénéficient désormais d’un statut analogue à celui des juifs, ce qu’ils demandaient depuis le début. Comme tous ils doivent prier pour le salut commun.

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Françoise Thelamon

Françoise Thelamon

Agrégée d’Histoire et géographie. docteur es Lettres et ancienne élève de Henri-Irénée Marrou, Françoise Thélamon est professeur émérite en histoire de l'antiquité à l'Université de Rouen. Spécialiste de l'histoire du christianisme et en particulier de Ruffin d'Aquilée, elle est présidente de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Rouen.