
C’est assurément le livre le plus captivant que j’ai pu lire depuis de nombreuses années.
Un souffle indéniable, une plume raffinée et élégante, un entrelacement de fiction et de réalité, un va et vient de l’Histoire à l’histoire, une plongée dans un univers lointain et pourtant familier.
Rome, se déroule page après page, alors qu’elle sort de terre ou ressurgit après des siècles, en cette aube de la Renaissance qui déjà bat son plein à Florence où le héros fait ses classes, dans l’intimité de ces illustres génies de l’époque qui pour nous sont autant de références à moultes citations, mais qui sous la plume d’Amelie de Bourbon Parme, prennent vie avec force de détails et d’émotions, réelles ou supposées par la descendante du héros. Marcil Ficin, Laurent de Medicis, Michel Ange, Savonarole, Machiavel, tous rassemblés, comme jadis dans cet aréopage florentin qu’ils affectionnaient.
La grande Histoire de cette effervescence artistique, littéraire, religieuse et politique sert tout autant, de trame de fond, de décor que d’intrigue romancée. Où commence la fiction, où s’arrête la vérité historique ? Quels traits de la grandeur ou de la décadence ont été forcés par l’auteur pour les besoins de son récit ou poussés par ses propres convictions ? Il faut un érudit confortablement installé dans sa science pour démêler la fine broderie tissée de main de maitre par la descendante du pape Farnèse.
Prenant prétexte d’une lettre plus moins testament du futur Paul III, la romancière se fait historienne, archéologue, guide cicérone, mais aussi psychologue, pour construire son histoire, chapitre après chapitre sur ce court récit pontifical à partir duquel elle brode son ouvrage, peint son décor, tisse la trame romanesque et amoureuse de son ancêtre, mais aussi son réel chemin de la prison du château Saint-Ange dont il s’évade, jusqu’au cardinalat tant convoité. Les sentiments du jeune Alessandro Farnèse, petite et peu fortunée famille italienne, ses émotions, sont extrapolés, les épisodes historiques de sa vie et leur mise en lumière sont dictés par le parcours autant que par le parti pris d’éclairer cet âge d’ombre et de lumière à l’aune du titre de la saga, « les trafiquants d’éternité ».
On sait combien, le tournant du XVIème siècle romain fut moralement tendancieux et la réputation des Borgia n’est pas usurpée. Mais Rome ne se limite pas à cet aspect. Comme le dit le futur Paul III, le pontificat d’Alexandre VI, ne fut pas le pire et de loin. Il a su aussi apporter à la construction de l’Eglise une pierre solide. Paul III, lui-même a laissé dans l’Histoire le souvenir d’un pape humaniste. Mais il est vrai que Dieu, ambition et familles italiennes s’imbriquaient à l’excès.
Mais je m’éloigne de ce premier tome qui finit avec l’élection du sévère Jules II, second successeur de son ennemi juré le Borgia dont Farnèse était la créature. Luxure, érudition, passions, amour, ère du temps sont les ressorts de cette ambition chevillée au corps d’un prélat pris entre l’amour de sa maîtresse, l’amour des lettres, l’amour de l’Eglise et l’amour de Dieu.
Un cocktail qui nous tient en haleine de la première ligne au dernier mot, suspendu dans l’attente de la suite non encore publiée de cette saga romaine à couper le souffle.