
Robert Schumann Introduction et Allegro Appassionato en sol majeur (op. 92)
Robert Schumann (1810-1856)
1849, Mendelssohn est mort d’épuisement depuis près de deux ans maintenant et c’est l’année la plus féconde de Schumann. Après les festivités du centenaire de Goethe, le saxon, alors à Dresde entretient de bons rapports avec les solistes de l’orchestre ce qui semble l’inciter à explorer de nouveaux genres. Dans la série des concertstück, il compose une originale partition pour piano et orchestre, l’Introduction et Allegro Appassionato qui bien qu’appréciée semble incomprise du public.
Deux mouvements enchaînés en un seul tendus vers une même conclusion. Si Mendelssohn appréciait l’unicité cyclique des œuvres, Schumann aime les œuvres avec une trajectoire. Les exégètes ont souvent soulignés la rare beauté mélodique brisée par un Allegro trop ferme, opposant les deux mouvements qui pourtant forment un tout uni et unique. Comment sans cela comprendre l’incongru appel de trompettes de l’Introduction ? Tout se tisse autour et à partir du piano. Douce et sereine ouverture du soliste qui pourtant n’en semble pas un au départ. Son expressivité s’entrelace dans celle de l’harmonie puis des cordes. Sérénité un rien plaintive dramatisée par cet appel de trompette inattendu comme l’appréhension d’un drame à venir et auquel les cordes semblent se résigner. Plus que soliste, le piano forme le corps du mouvement avant de devenir de plus en plus concertant, se distinguant de l’orchestre, ce dernier servant non plus son propre chant, mais celui du piano. Désormais le piano et l’orchestre qui en émane est seul pour aborder les trompettes retentissantes qui ouvrent sans interruption l’Allegro. Présentes dans l’Introduction comme une prémonition les trompettes sont désormais l’interlocuteur privilégié du pianiste, l’orchestre se contentant de déployer les motifs énoncés par les cuivres ou d’épouser le jeu du piano ou encore d’évoquer des réminiscences de l’Introduction, tandis que piano et trompettes tendent inexorablement vers l’avant, dans cette tension si schumannienne du lointain et de l’à vernir.
Puis, comme les violons semblaient résignés dans le premier mouvement, le piano semble atteint par la force des trompettes, se calme un temps pour s’élancer de nouveau, avant de s’effacer devant la sérénité de l’orchestre qui finit par se laisser gagner à son tour par la fougue des trompettes avant d’exploser dans un tutti tendu vers l’avant malgré une reprise discrète du dialogue bipolaire pour un final conclusif, point de tension de toute l’œuvre. Admirable dialogue comme si Raro laissait Florestan et Eusebius s’affronter, comme au temps de sa célèbre revue musicale, le tout avec l’inégalable poésie de celui qui n’a jamais oubliés ses premiers amours littéraires.