Création mondiale par Renaud Capuçon et Guillaume Bellom de Forma Fluens de Pascal Dusapin, Debussy saisissant de couleur, Ravel étincelant de précision, tout était réuni pour une soirée d’exception à l’Opéra royal du château de Versailles.
Le public s’est déplacé nombreux à l’Opéra Royal de Versailles pour entendre Renaud Capuçon. Dans la file du contrôle de sécurité, on discute. On vient entendre le virtuose français. Mais que joue-t-il ? avec qui se produit-il ? Peu le savent et, pour tous, c’est indifférent. Une chose est acquise, ce sera de toute façon une très belle soirée. Fidèle à lui-même, le Savoyard entre avec simplicité et sans attendre donne toute son âme à Debussy. Mais très vite, le public se rend compte que le jeune Guillaume Bellom n’est pas un simple faire-valoir de son aîné. Le pianiste prend toute la place que lui laisse volontiers le violoniste et révèle une qualité de jeu et une présence tout à fait personnelle. Dans un programme qui met en parallèle, de part et d’autre de l’entracte, Debussy et Ravel, le talent combiné du duo découvre au public les spécificités propres des deux compositeurs. Le premier, toujours attentif au son propre des instruments pour lesquels il écrit, est merveilleusement bien servi par les deux musiciens qui tressent à la perfection deux sonorités parfaitement individualisées en une unité musicale conférant à la sonate de Debussy la profondeur de velours du violon et le perlé chatoyant du piano et réciproquement. Si, de façon habituelle, on pense à un virtuose pour ses incroyables qualités techniques, sa dextérité à faire pâlir ou son grand sens musical, il faut ajouter pour Renaud Capuçon, une « virtuosité du son ». Changement radical d’ambiance musicale avec Ravel. Si Debussy cherche la couleur, Ravel est l’orfèvre de la note. De peintres du son, Guillaume Bellom et Renaud Capuçon se font horlogers de la précision, rendant ainsi aux deux compositeurs la profondeur musicale qui leur convient, déclenchant un tonnerre d’applaudissements du public. On s’apprête à entendre Renaud Capuçon et on écoute, à ses côtés, Guillaume Bellom. Mais la surprise musicale tient également dans la création mondiale, par les deux instrumentistes, de la dernière pièce de Pascal Dusapin, Forma Fluens. Une idée musicale qui prend sa source dans ce Moyen-âge, attentif à la forme et qui attend d’être réveillée par l’artiste. Il appartenait au duo de révéler cette composition « fluide » dont on perçoit comme une résurgence des compositions aquatiques du XIXème siècle. Sans doute faut-il une grande complicité musicale pour que la partition, de prime abord très individualisée d’un instrument à l’autre, se tisse en une véritable « direction » mélodique emmenant public et interprètes, d’un seul tenant, de la première à la dernière note. Construisant un paysage musical émotionnel, à l’image des musiques de film, l’œuvre se tient pourtant par elle-même et semble bien produire son effet sur un public respirant de concert avec les musiciens. Création réussie, public séduit, même si l’engouement n’est pas celui qui enthousiasme l’Opéra après Ravel et plus encore avec la méditation de Thaïs (bis), prodigieusement interprétée, laissant la salle royale, souffle coupée, avant de littéralement exploser en ovation.
Versailles. Opéra royal. 16-VI-2018. Claude Debussy (1862-1918) : sonate. Maurice Ravel (1875-1937) : sonate. Pascal Dusapin (né en 1955) : Forma Fluens. César Franck (1822-1890) : sonate. Renaud Capuçon, violon ; Guillaume Bellom, piano.
Création mondiale par Renaud Capuçon et Guillaume Bellom de Forma Fluens de Pascal Dusapin, Debussy saisissant de couleur, Ravel étincelant de précision, tout était réuni pour une soirée d’exception à l’Opéra royal du château de Versailles.