Pendant les sept derniers jours qui précèdent Noël, l’office de Vêpres comporte chaque jour une antienne solennelle qui est répétée avant et après le chant du Magnificat.
Ainsi, même si la quatrième semaine de l’Avent se trouve raccourcie, la fête de Noël est précédée par sept jours de préparation directe. Ces sept antiennes commencent toutes par l’apostrophe O (d’où leur nom) et constituent comme un résumé de toutes les prophéties concernant le Messie. Ce sont sept titres du Christ, sept titres messianiques.
Elles répètent toutes la même prière « Viens… » et traduisent l’ardente imploration du peuple juif et de l’humanité entière qui, plus ou moins consciemment, attendent leur Sauveur.
Elles sont connues à Rome au moins vers le Vème siècle peut-être dès le IVème. Mais ne se diffuseront en Europe que tardivement, lorsque les carolingiens, au VIIIème siècle feront adopter le rite et le calendrier liturgique romain, à partir de Metz à la demande de Pepin le Bref. Mais dès le Vème siècle on les connait en Espagne.
Au nombre de 7, on en compte cependant 8 à Rouen qui débute son cycle le 16 novembre. Mais le cycle complet même à Rome semble avoir été de 12, dont la huitième, Ô Virgo Maria faisait l’octave.
Il semble qu’au XVIIème siècle Marc Antoine Charpentier connaissait cette tradition de l’Octave puisqu’il compose en 1693, ses 7 Grandes antiennes, précédées d’une « huitième », un Ô salutaris, dont le texte est de Saint Thomas d’Aquin.
La mise en musique reprend l’esprit grégorien qui veut que la musique soit une explicitation du texte. Mais bien entendu, Marc-Antoine Charpentier le fait avec les canons de son époque. On notera cependant tout à la fois une certaine sobriété en plein cœur du baroque léger, traduisant une attente non anxieuse, mais presque festive. L’esprit de Noël semble bien grandir d’antienne en antienne.
Revenons aux antiennes grégoriennes.
Chaque antienne comprend deux parties faciles à distinguer.
La première est tirée de la Sainte Écriture, non pas toujours textuellement, mais en des termes qui en font bien reconnaître l’origine :
O Sagesse (Ecclésiastique 24 et Sagesse 8) ; O Adonaï et Chef de la maison d’Israël ; O Rejeton de Jessé (Isaïe 11, 1) ; O Clef de la maison de David (Isaïe 22, 22) ; O Orient (Luc, I, 78) ; O Roi des nations (Jérémie 10, 7) ; O Emmanuel (Isaïe 8, 8).
Dans la seconde partie, on répète, comme dans une litanie, le même appel : « Veni, venez », suivi d’une invocation qui varie avec chaque strophe.
Elles forment un tout. Non pas parce qu’elles sont construites de la même façon en deux parties similaires. Non pas parce qu’elles sont toutes une invocation, un appel commençant par Ô, non pas seulement parce qu’elles entendent dire un des mystères de celui qui est attendu, mais parce que lues (ou chantées) dans leur continuité elles contiennent la réponse à l’appel.
Dans le temps de l’Avent, qui est une attente, l’attente d’une venue, les 7 derniers jours se font plus pressants. Et les antiennes du Magnificat scandent cette impatience en s’étirant d’un jour à l’autre jusqu’au 23 décembre, en insistant de soir en soir « Viens ». L’attente ici parait moins sereine et plus impatiente que chez Charpentier.
« Viens » est répété 7 fois, chiffre de l’accomplissement qui permet de donner corps à l’espérance puisqu’avec ce septième « viens » le peuple qui marche dans la nuit peut entendre la réponse.
En reprenant les antiennes en latin et en faisant abstraction du Ô invocatoire, la réponse est contenue dans l’acrostiche. En partant du 23 décembre, qui comme dernier jour donne la clef, et en remontant chaque première lettre de chaque jour, nous voyons apparaître la phrase « ERO CRAS ». Au « viens » lancinant, mais toujours très doux dans la partition grégorienne, le septième jour, quand tout peut s’accomplir par ce chiffre de la perfection, celui qui est invoqué par sept de ses titres, répond « demain je serai là »