C’est assurément la surprise de l’année tant attendue ! Qui ne connait La vie parisienne, probablement la plus célèbre opérette de Jacques Offenbach ? Qui, même parmi les publics les plus éloignés de la musique classique, ne connait au moins un des airs ou l’un des galops que l’on finira par assimiler au Cancan ? Parmi les mélomanes, combien connaissent les airs par cœur et pour beaucoup l’intégralité de la pièce ?
Eh bien ! non ! Trois fois non ! Ne vous en déplaise, vous ne connaissez ce monument que de loin et même de très loin. Découragé par le faible niveau de la troupe du Palais-royal, Offenbach dut abandonner les sections les plus acrobatiques, les plus difficiles de sa partition. De ce qu’il restait, il fallut encore retrancher ce que la censure ne permit pas. Pour tenir la gageure entre faible niveau et censure, il fallut non seulement couper et encore couper, mais encore modifier, transformer, réécrire, simplifier.
C’est ainsi que la création de l’automne 1866, en présence du composteur est assez éloignée de ce qu’il avait imaginé. Bien qu’il manque des pans entiers de l’histoire (tout l’acte IV), bien qu’il faille se satisfaire de raccourcis pour sauter à pieds joints dans les dénouements de l’intrigue, la succès fut au rendez-vous et Offenbach ne chercha pas, par la suite, à donner sa version originale qu’on croyait perdue et qui fut retrouvée il y a quelques années.
Au final, c’est près de 40% de l’œuvre qui ont été modifiés ou retranchés. Autant dire que le travail archéologique du Palazzetto Bru Zane nous livre une œuvre inédite. D’autant plus inédite que, fidèle à sa façon de travailler, Offenbach ne se mettait à l’orchestration complète qu’une fois que les premiers essais étaient concluants, laissant donc une grande partie de ses pages retrouvées réduites à la ligne de piano. Il n’a donc pas seulement fallu sortir des archives, mais aussi orchestrer au plus près de ce qu’aurait fait le maître. Les échanges ont fusé entre l’équipe du Palazzetto et le chef Romain Dumas et les essais sont encore en cours, alors que le Théâtre des Arts de Rouen s’apprête à entrer dans le vif des répétitions.
C’est donc une œuvre inédite, une création mondiale, 155 ans plus tard, que vont livrer l’Opéra de Rouen et le Palazzetto Bru Zane, dimanche 7 novembre 2021. Pour ce faire, c’est au couturier Christian Lacroix qu’ils ont fait appel pour les décors, les costumes et, chose inédite, la mise en scène. Unanimement, toute l’équipe de création a fait le choix de ne pas plonger cette opérette dans le contemporain du Paris d’Anne Hidalgo, mais de le laisser dans son temps. Certes, bien des sous-entendus risquent de nous échapper, mais la force évocatrice du compositeur devrait suffire à faire passer le message. (Pour une explication du sens de l’œuvre on pourra se reporter ici, quoique les nouveautés pourront ça et là donner plus de relief à l’analyse).
Deux castings ont été retenus pour tenir la tournée dans la durée et notamment les 16 dates parisiennes. Vous pouvez retrouver le détail ici.
Ayant eu accès aux maquettes et planches des décors et costumes originaux, Christian Lacroix, loin de plagier, s’est inspiré d’une époque pour aller, comme il aime, à la rencontre du passé.
Bref une perspective des plus alléchantes !