Je vous propose un petit excursus vers une des œuvres les plus célèbres du maigre de Leipzig qui inspira le mentor de Bayreuth.
Avec Mer calme et heureux voyage et Les Hébrides, La Belle Mélusine fait partie du trio des ouvertures dites aquatiques de Mendelssohn. Wagner saura se souvenir de cette impression ondoyante dans ses opéras. Comme son si cher ami Schumann, Mendelssohn sera un compositeur malheureux en opéra. L’un comme l’autre ont attendu, toute leur vie, en vain, la consécration lyrique de l’opéra. Mais Felix se révélera un maître en matière d’ouverture et de musique de scène. Célébré comme le révélateur de la Mattheus Passion de Bach, il est aussi reconnu comme le génie du Songe d’une nuit d’été.
Ses trois grands succès en matière d’ouverture (le Songe, Les Hébrides et La Belle Mélusine) que lui-même, si avare en publications, voulut éditer en une même trilogie, sont pour Schumann, « les trois grâces ». Achevée en 1833, créée par Moscheles à Londres le 7 avril 1834, elle porte le titre initial de « Mélusine, l’ondine et le chevalier ». Mendelssohn la créera à Düsseldorf avant de remanier la partition plusieurs fois, pour finalement la créer dans son fief de Leipzig en 1835.
A la fois princesse et fée, Mélusine est un personnage légendaire des contes poitevins, issu d’un conte de Tieck. Beethoven, à qui on avait proposé le sujet, ne le retint pas et c’est donc Conradin Kreutzer qui en fit un opéra. L’ayant vu Mendelssohn se prit à en faire un conte sans parole autour de trois thématiques. Le thème aquatique en fa majeur (« Une figure de vague tout à fait magique » selon Schumann), le thème de Mélusine en la bémol Majeur et enfin le thème en fa mineur de Lusignan. Sans parvenir à se rejoindre, les deux mondes aquatiques et terrestres se sépareront, l’ondine se retirant avec les eaux.
On reconnaîtra sans peine le thème qui inspira le motif fluvial de l’Or du Rhin de Wagner. Celui-ci critiquera le passéisme de Mendelssohn mais ne le pillera pas moins régulièrement. En prêtant un peu plus l’oreille, quelque chose du Shéhérazade de Rimski-Korsakoff est aussi nettement perceptible.
Mendelssohn meurt prématurément le 4 novembre 1847. Malgré sa douleur et son état de faiblesse, Schumann viendra aux obsèques depuis Dresde avec Clara, aux côtés de Moscheles, David ou encore le jeune Joachim. Le 11 novembre, le Gewandhaus, l’orchestre de celui qui fut un des plus grands maestro de son temps, interprétera, outre le Paulus et le cantique de Siméon composé pour la mort de sa sœur « Seigneur tu peux maintenant laisser ton serviteur s’en aller… », cette Belle Mélusine.