Le circuit court est à la mode, pour des raisons écologiques évidentes, pour des raisons d’emplois locaux non moins évidentes. De plus en plus, se fait jour une prise de conscience de la nécessité de relocaliser. Les jeunes y sont particulièrement attachés. Sur les réseaux sociaux, nous voyons poindre à ce sujet nombre de sarcasmes pointant la contradiction d’une génération qui pense vert pour la planète mais intensément gris pour son confort personnel. La balle se renvoie de tweets en posts, pour savoir qui de l’œuf ou de la poule est arrivé en premier. La faute aux jeunes incapables de cohérence ? La faute aux parents qui ont mal éduqué leurs enfants ? La faute aux anciens qui ne donnent pas l’exemple ? Le fait est qu’une prise de conscience a lieu et que même engoncés dans leurs Iphone hyperconsommateurs, les jeunes pointent du doigt une carence de leur éducation, de celle de toute une civilisation.
Suite à plusieurs échanges avec des amis musiciens, je voudrais mettre le doigt (oups sacrilège à venir) sur une autre contradiction. La starisation du milieu musical.
Il est évident que certains artistes ont une carrière internationale de grandes villes en grands théâtres. Il est non moins évident que les grandes maisons ont vocation à produire les plus grands talents. Mais les opéras et communes intermédiaires ont-elles aussi cette vocation ave la conséquence de vider les caisses sur quelques représentations quand on pourrait donner plus de concerts en circuit court ? Bien entendu tous les musiciens, fussent-ils sortis de la cuisse d’un de nos CNSM n’ont pas le niveau d’une Jessye Norman que nous pleurons ces jours-ci. Mais des talents nous en possédons plus d’un à nos portes. Et ils sont souvent en mal de se produire, précisément parce que les stars raflent même les places intermédiaires. Par exemple (qu’il me pardonne de le citer) pn fait venir Gauthier Capuçon que je mets au Nirvana des violoncellistes. Mais il est partout, dans la moindre salle de taille intermédiaire qui se ruine pour un seul concert.
Pour avoir fait la tournée des festivals cet été, j’en étais souvent réduit à faire mes choix en slalomant entre « ceux que j’avais déjà entendu ailleurs » dans un même programme sur ce même été. N’avons-nous donc que dix orchestres en France ? Trois violistes ? Deux violoncellistes ?
Outre le cachet des stars, leurs frais de déplacements, de logements sont gourmands en budget, là où le circuit court ne coûte rien ou presque. Combien de maisons auront le courage de programmer local entre deux stars ? Ou mieux une star entre deux locaux. Bien entendu, il ne faut tomber dans la consanguinité musicale et inviter au-delà de nos localités est toujours un enrichissement. Mais combien de concerts, de festivals supplémentaires pourrions-nous faire, à moindre coût et de grande qualité ?
Le circuit court en musique est non seulement écologique, mais il est un puissant moyen d’emporter la musique classique plus loin que sur les grandes scènes. C’est un vecteur social de la culture qui aujourd’hui se délite dans une forme de snobisme qui veut que tout le monde s’arrache les grands noms, parce que c’est sans risque… encore que.
Cyril Cortes-Brun
directeur artistique de classique pour tous en Normandie