Beethoven, maître de vie pour temps de troubles
Nous oublions que, pour Beethoven, la musique est au service de la construction de l’Homme. C’est tout le sens de la période héroïque, mais c’est tout l’aboutissement aussi de la Missa Solemnis et de la célèbre neuvième symphonie.
Mais c’est justement une construction qui prêterait aujourd’hui à réfléchir, une construction de l’homme par l’exemple ! Et oui Beethoven nous propose une trajectoire, une construction de la personne humaine et on ne peut comprendre Beethoven en dehors de cette trajectoire.
Toute la musique de Beethoven est construite comme une trajectoire. C’est un génie de la construction de la trajectoire dans une imbrication hypnotique du binôme « tension résolution » que l’on trouve entre la tonique et la dominante première et la cinquième note de la gamme.
Que veut Beethoven ? Que veut-il à travers sa musique ? Rien d’autre que nous enseigner que le but de l’homme est la paix. La paix que l’on retrouve dans l’aboutissement de la neuvième symphonie, mais une paix qui passe par une lente, longue, douloureuse trajectoire, celle du combat de l’homme héroïque.
Mais qu’est-ce que l’homme héroïque ? Justement celui qui, par la vertu, parvient à l’acceptation de ce qu’il est, de ce qu’est sa vie en vérité, car c’est à partir de là que la paix, et donc la joie, dans le dépassement de soi, de la souffrance, peut alors s’installer en toute stabilité.
C’est le passage de la cinquième symphonie tournoyante du destin à la sixième symphonie stable de l’acceptation et de la paix.
Alors Beethoven aujourd’hui ? Comme hier Beethoven nous donne à la fois un sens, la joie et la paix ou plus exactement la paix conduisant à la joie. Un sens donc et une trajectoire, un mode d’emploi, une méthode : la vertu, la construction de soi qui suppose une étape fondamentale, celle de Florestan, celle du Christ au Mont des oliviers : l’acceptation de soi même, l’acceptation du réel.
A partir de là, toute une construction héroïque exemplaire, qu’il nous donne œuvre après œuvre : construire une vie vertueuse, non par amour de la vertu, mais comme chemin du bonheur.
Et ainsi nous progressons de la troisième symphonie à la cinquième qui se stabilise, se résout, dans la sixième puis de la Missa Solemnis qui s’achève dans la neuvième, lieu de la paix et ainsi lieu de la joie, parce que lieu ultime vers lequel doit tendre l’homme, comme la musique de Beethoven est une trajectoire tendue vers sa fin.
Beethoven nous donne donc un sens une méthode, tout cela en musique.
Alors aujourd’hui en ces temps troublés, nous avons un maître de vie en pleine épidémie, en pleine épreuve.
Accepter ce temps d’épreuves comme le lieu de notre construction en vue de rejoindre la paix.
L’homme vertueux, le héros de Beethov’ n’est pas celui qui fait le dos rond et qui attend que cela passe tournant en rond sur lui-même. La Vème est une projection vers la victoire contre le destin à prendre à la gorge. Il n’est pas non plus le héros bombant le torse, fier de lui, mais incapable d’accepter le réel ni de se construire en vérité, trop occupé à se regarder luire en lui-même.
L’Homme vertueux de Beethoven est celui qui se dépasse dans l’adversité parce que son dépassement à un but : non pas survivre, non pas juste vivre, mais atteindre la paix, lieu conçu comme lieu du bonheur non comme une paix qui serait absence de conflit et toujours sur la défensive, mais la paix intérieure pacifiée précisément par la vertu. Une vertu qui n’est pas une finalité mais qui a un sens : l’épanouissement dans la paix par la joie.