L’image de l’Enfant Jésus en peinture

L’image de l’Enfant Jésus en peinture

La représentation du Christ enfant dans la peinture occidentale apparaît dans un nombre limité de scènes bibliques. Il s’agit essentiellement de la nativité, de l’adoration des bergers, de l’adoration des mages, de la présentation de Jésus au temple et de la Vierge à l’Enfant. Ces scènes constituent des thèmes majeurs de l’iconographie occidentale et ont donc été traitées très fréquemment depuis le Moyen Âge. Mais l’image du Christ reste très sommaire dans toutes les scènes associées à la nativité car il s’agit d’un nouveau-né. Le sujet de ces tableaux est la Sainte Famille (Enfant Jésus, Marie et Joseph) avec en général quelques autres personnages. La Vierge à l’Enfant est plus représentative de l’image du Christ enfant car la relation mère-enfant permet des variantes multiples qui évoluent historiquement.

Les diverses scènes de la nativité

D’une manière générale, la représentation de la nativité et des scènes associées évolue historiquement vers le réalisme, c’est-à-dire vers une humanisation progressive des figures et du cadre dans lequel elles sont placées. Bartolo di Fredi peint en 1383 une Adoration des bergers (Pinacoteca du Vatican) dans laquelle l’enfant est soigneusement emmailloté selon la pratique de l’époque. La Vierge est plus grande que les autres personnages conformément à la perspective symbolique utilisée au Moyen Âge. Quelques décennies plus tard, en Flandre, Robert Campin réalise une Nativité (1420-1423, Musée des beaux-arts, Dijon) dans laquelle l’Enfant Jésus est nu sur le sol. Tous les autres personnages sont richement vêtus, en particulier la Vierge qui apparaît symboliquement en blanc. La grange délabrée permet cependant d’introduire la notion la pauvreté et d’obtenir un effet de perspective accentué par le magistral paysage en arrière-plan, l’un des premiers de ce type.
Un siècle plus tard, Albrecht Dürer peint une Adoration des Mages (1504, Galerie des Offices, Florence) au dessin extrêmement travaillé. Chaque détail des vêtements ou de la végétation est traité de façon réaliste, de même que la relation entre la Vierge, l’Enfant Jésus et le mage.

Le thème de la nativité est repris régulièrement jusqu’au 17e siècle, mais parfois avec une certaine grandiloquence qui lui convient assez mal. Par exemple, Charles Le Brun propose en 1689 une Adoration des bergers (Musée du Louvre) où l’enfant, point focal de la composition, fait l’objet de la curiosité aussi bien céleste que terrestre d’une multitude de personnages. Ce grand tableau de 151 sur 215 cm ne renouvelle pas le genre mais correspond aux critères académiques du « grand goût ».


Joseph et l’Enfant Jésus

Guido Reni. Saint Joseph et l’Enfant Jésus (1640)-1
Il est rare de voir l’Enfant Jésus dans les bras de Joseph mais le tableau le plus connu est tout à fait remarquable. Il s’agit de celui de Guido Reni au musée des Beaux-arts de Houston, Saint Joseph et l’Enfant Jésus (1640). Le fond monocolore permet à Reni de mettre en valeur l’expression de douceur et d’étonnement du père adoptif à l’égard de l’enfant. Le visage et les mains sont traités avec une extrême minutie et la posture de Joseph est une réussite totale. La pomme que tient l’enfant constitue un rappel symbolisant la chute.

La Vierge à l’Enfant

Botticelli. Vierge à l'enfant avec deux anges, détail (v. 1490)-1
Ce thème a inspiré un nombre considérable d’artistes car la puissance évocatrice de la maternité conduit aisément la représentation vers la spiritualité. Les premières compositions proposent une Vierge hiératique et un enfant peu crédible car il n’était pas question de confondre le céleste et le terrestre. La distance entre les deux domaines devait apparaître clairement sur l’image. Puis, le personnage de la Vierge s’humanise et un véritable enfant apparaît. Au 17e siècle, il sera possible d’aller jusqu’à une évocation de la Vierge à l’Enfant sans l’indiquer clairement.
Dans la peinture byzantine, la convention de base est la distance entre les personnages divins et les humains. Ainsi, cette Vierge à l’Enfant de la Basilique Sainte-Sophie d’Istanbul (IXe siècle) est dépourvue de tout réalisme. Assise sur un siège très stylisé, elle adopte une pose hiératique et porte sur ses genoux un Enfant Jésus qui est un homme en miniature. Le fond or permet également d’éviter toute représentation terrestre (paysage ou architecture par exemple). Les primitifs italiens, aux XIIIe et XIVe siècles vont commencer à humaniser les personnages. Ainsi Giotto, avec sa Vierge d’Ognissanti (1310, Galerie des Offices de Florence) fait ressortir la féminité de la Vierge comme n’auraient jamais osé le faire les byzantins. L’Enfant Jésus reste cependant très hiératique et n’a rien d’enfantin.

Les primitifs flamands, dès le début du XVe siècle, humanisent totalement la Vierge à l’Enfant, comme le montre l’un des panneaux de Flémalle de Robert Campin (vers 1430, Städel, Francfort-sur-le-Main). Toute la composition vise à mettre en évidence le lien maternel : allaitement, geste de protection et de tendresse, inclinaison de la tête de la Vierge. Jésus a désormais l’apparence d’un enfant. Cette évolution touche également l’Italie à la même époque et la Vierge peut désormais jouer avec Jésus : Vierge à l’Enfant de Fra Angelico (1423-1424, Pala di Fiesole).

La Haute Renaissance cherchera, pour cette thématique comme pour toutes les autres, un idéal de raffinement esthétique qui plaçait parfois les artistes au rang de demi-dieux comme le dit Giorgio Vasari. Un tableau comme la Vierge du Grand-Duc de Raphaël (1505, Palais Pitti, Florence) pouvait profondément émouvoir les contemporains. La douceur exceptionnelle du visage de la Vierge et l’évocation par la gestuelle de la relation de tendresse mère-enfant se mêlaient en effet à la foi très profonde des hommes du 16e siècle pour provoquer chez eux un élan de spiritualité. La relation de tendresse est encore accentuée chez Sandro Botticelli, en particulier dans Vierge à l’Enfant avec deux anges (1490, Akademie der bildenden Künste, Vienne).

Les plus grands artistes de la Haute Renaissance avaient atteint une telle perfection dans l’art de conjuguer la beauté et la vérité qu’il faudra ensuite transformer le thème lui-même. Ainsi Georges de La Tour peint entre 1645 et 1648 un tableau intitulé Le nouveau-né (Musée des Beaux-Arts, Rennes) dont le titre n’indique pas s’il s’agit de Jésus-Christ. Mais pour les contemporains, il pouvait difficilement en être autrement et, en tout état de cause, la composition autorise une interprétation large. « Chez La Tour, les dieux sont sans nimbes, les anges sont sans ailes, les fantômes sans ombre. On ne sait si c’est un enfant ou Jésus. Ou plutôt : tout enfant est Jésus. Toute femme qui se penche sur son nouveau-né est Marie qui veille un fils qui va mourir. » (Pascal Quignard, Georges de La Tour, éditions Galilée)

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Patrick Aulnas

Diplômé d’études supérieures de droit public, ancien professeur agrégé d’économie-gestion, Patrick Aulnas est aujourd'hui retraité. Il s'intéresse désormais à la peinture. Site internet : www.rivagedeboheme.fr