La mort dans l’art pictural occidental

Courbet : Un enterrement à Ornans

La Toussaint. Le 11 novembre. Le typhon aux Philippines. La mort fait l’actualité en ce mois de novembre. Mais la mort est d’abord un thème universel, tout simplement parce qu’elle fait partie de la destinée humaine. La mort est donc tout naturellement l’un des thèmes majeurs de l’art, depuis toujours. Elle a été représentée de bien des façons, selon la conception qu’on en avait, selon les styles, les civilisations et les époques. Mais, comment la mort se représente-t-elle ?

D’abord de manière explicite, quand sont montrées des corps morts, de mort naturelle ou non, dans le cadre de scènes de violence, de guerre, etc.

Pieter Bruegel l’Ancien : Le triomphe de la mort
Pieter Bruegel l’Ancien : Le triomphe de la mort

D’une manière symbolique aussi, par plusieurs symboles traditionnels. Donnons-en quelques exemples :

Le crâne représente évidemment la mort. Nombre de tableaux font figurer Sainte-Marie-Madeleine, un religieux, un philosophe, priant ou méditant devant un crâne.
C’est parfois tout le squelette, souvent animé, côtoyant un vivant, qui nous rappelle notre condition de mortel.

Les vanités. « Vanité des vanités, tout n’est que vanité » lit-on dans l’Ancien Testament. On parle de vanité pour une catégorie particulière de nature morte, dont la composition allégorique suggère que l’existence terrestre est vide, est vaine (vanité), que la vie humaine est précaire et de peu d’importance. On en trouve surtout de l’époque baroque, provenant notamment de Hollande.

Les représentations de fleurs, d’insectes, de fruits que des vers « occupent », sont autant de signes de l’éphémère, du passage, du transitoire.
Sur ces mêmes vanités, on trouvera des objets plus durables : mappemondes, armes, instruments de musiques, etc. qui symbolisent les pouvoirs politiques et religieux qui, eux aussi, passent

Peter Van Steenwyck : Ars longa, vitta brevis
Peter Van Steenwyck : Ars longa, vitta brevis

Le sommeil n’est-il pas la petite mort ? Aussi verra-t-on des représentations de personnes qui dorment mais qui, en fait, symbolisent la mort.

Illustrations

Pour voir concrètement comment on peut représenter la mort de manières très diverses, par le style comme par l’esprit d’une œuvre, faisons une comparaison. Deux peintres représentent un enterrement :

Courbet : Un enterrement à Ornans
Courbet : Un enterrement à Ornans

Ici, le temps est sombre, les personnages qui ne se regardent pas, les femmes qui regardent ailleurs. Le trou semble creusé au milieu de nulle part. Pas d’espérance dans ces regards et ces attitudes. La mort apparaît absurde.

El Greco : L’enterrement du comte d’Orgaz
El Greco : L’enterrement du comte d’Orgaz

La scène est divisée en deux : l’enterrement du comte, porté par Saint Étienne et Saint Augustin en bas et les regards dirigés vers le haut, vers le Ciel, vers lequel monte l’âme du comte. Là, Jésus, la Vierge Marie et Saint Jean Baptiste vont « l’accueillir ». La mort n’est ici qu’une étape vers la vie éternelle.

Aujourd’hui, paradoxe : la mort est cachée, on l’évacue, on la cache aux enfants, mais dans l’art contemporain, elle est souvent présente, et souvent sous une forme morbide. C’est à notre époque que des chaires humaines, des cadavres sont exposés comme « œuvres d’art »… Le cadavre, sujet de l’œuvre, devient en effet parfois… sa matière première.
Ainsi, l’artiste contemporain Gregor Schneider, dans la revue d’art The Art newspaper déclare : « Je veux exposer une personne en train de mourir d’une mort naturelle ou quelqu’un qui vient juste de mourir ». Il a précisé rechercher une personne « qui donnera au préalable son accord à tout » et a assuré être « en contact avec un collectionneur d’art (…) dont on ne peut déterminer le moment où il mourra ».

Gunther Von Hagens expose des cadavres humains
Gunther Von Hagens expose des cadavres humains

On le voit : il y a à notre époque besoin d’un renouveau de l’art, loin du « business », loin du n’importe quoi érigé en dogme. Ce renouveau exige des talents, du courage, et sans doute de la patience. De celle dont avait besoin un Van Eyck quand il peignait.

Fra Angelico  représente le Christ ressuscité apparaissant  en jardinier à Marie-Madeleine (« Noli me tangere »)
Fra Angelico représente le Christ ressuscité apparaissant
en jardinier à Marie-Madeleine (« Noli me tangere »)

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Author: Philippe Vandewyls

Philippe Vandewyls est ingénieur formateur. Il a, en parallèle de sa carrière en entreprise, développé l’hémisphère droit de son cerveau... Il propose aujourd’hui des visites de musées pour tous, avec un choix variés de thèmes, ainsi que des parcours virtuels de peintures, de sculptures, mais aussi d’outils, de machines, d’architecture industrielle. On peut le contacter à [email protected] et visiter http://apprenonsaregarder.over-blog.com/