L’Annonciation est un des sujets de prédilection de Fra Angelico. Ce thème apparait dans son œuvre comme une recherche spirituelle, une méditation sur le mystère de l’Incarnation. Nous connaissons huit Annonciations du peintre, toutes sont empruntes de gravité, toutes reflètent la solide connaissance des écritures et de la Tradition du moine. Fra Angelico affirme à travers elles les deux natures du Christ, vrai Dieu et vrai homme, unies en une seule personne. La Vierge Marie par conséquent, n’est pas seulement peinte comme étant la mère de Jésus mais comme accédant par son «Fiat» au titre de mère de Dieu. Le peintre sait combien les risques d’hérésie sont nombreux, il connaît toutes les tentations de réduire le mystère ; c’est pourquoi ses Annonciations sont de véritables enseignements des dogmes de l’Eglise catholique, elles proclament la parfaite divinité de Jésus et sa totale humanité, son appartenance à la Trinité divine. Marie resplendit en devenant mère du sauveur de l’humanité, participant pleinement à sa Gloire.
Dans les Annonciations du moine, la Vierge n’est jamais simplement peinte comme un des acteurs de l’histoire du Christ. Fra Angelico cherche avant tout à rappeler le dogme thomiste de la Vierge : « La Vierge constitue la cause matérielle de l’incarnation du verbe » Ainsi la structure ternaire de l’architecture à arcades qui est présente dans nombre d’Annonciations est un rappel sensible au fait que la Vierge à ce moment devient le réceptacle de la Trinité tout entière. La structure du lieu est donc une lecture symbolique de ce concept. Le symbolisme de cette fresque nous éclaire sur les fondements de la liturgie mariale de l’Eglise catholique. La loggia de Marie n’est pas une simple représentation d’une loggia de cloître, elle dessine un «M» glorieux. De même, la fenêtre que l’on entrevoit dans la pièce du fond est un attribut médiéval de Marie, écho de sa virginité intacte. La prairie ordonnée du jardin est plus qu’une image de l’ordre monacal, elle est celle du paradis qui nous rappelle que Marie a été conçue sans le péché originel.
Ainsi cette Annonciation nous livre les paroles de l’évangile de saint Luc, le seul des quatre évangélistes à avoir relater l’épisode où se joue ce mystère essentiel du christianisme qu’est l’Incarnation du Christ. La beauté du visage de la Vierge Marie est le signe de l’Esprit Saint agissant en elle. On devine la colombe, symbole de la troisième personne de la Trinité, presque totalement effacée, elle est placée au-dessus de la tête de la Vierge Marie et couronnée par la voûte. Elle occupe une position axiale dans la construction géométrique de l’image. Aucun autre élément ne vient surcharger la représentation, Fra Angelico s’en tient à l’essentiel afin de mieux servir les écritures. Au-delà de cette apparente réalité à la fois tangible et épurée, tout un discours symbolique est suggéré afin de susciter la méditation. Le silence s’impose. La communication entre l’ange et la Vierge se fait uniquement à travers ce regard intense et presque palpable entre eux.
Cet instant de l’Annonciation est lourd de tous les événements à venir, il signe les souffrances et la mort du Christ. C’est à cet instant, dans les paroles de consentement de Marie, dans le Fiat de celle-ci: « voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole» (Luc l, 38), que le salut est rendu possible.
Article publié le 25 décembre 2014 #confinement