
Manuel Valls, premier ministre de son état, aime étaler dans la presse ses critiques littéraires. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une prérogative de Premier ministre, mais c’est ainsi : M. le Premier ministre Valls commente, critique, vitupère sur des ouvrages qui viennent de sortir. Il terrorise les intellectuels. Il se place au cœur du débat. Il se veut idéal et exécutif, Lumière et bras séculier. Le point sur ses dernières sorties de critique littéraire.
Le Suicide français d’Eric Zemmour a, le premier, fait les frais de la subjectivité vallsienne : « ce livre ne mérite pas d’être lu », sans fioritures ni argumentation baroque. On ne va pas lui demander de faire du Stendhal.
Pour Soumission de Michel Houellebecq, Valls a prononcé sa sentence dès le lendemain de la parution du livre. Sûrement fatigué d’avoir lu le roman toute la nuit, Valls est nerveux, et il n’a pas pu se retenir : « La France ça n’est pas Michel Houellebecq » et « ça n’est pas l’intolérance, la haine, la peur ». Imaginez-le prononcer ces mots avec sa main tremblotante et la sueur au front. Michel Houellebecq lui répond : « Il [Valls] est chiant ! Ce n’était pas la peine de la passer. Ça ne veut rien dire. Il parle même pas, il fait du bruit avec sa bouche. »
Le pourtant athée-libertin-gauchiste Michel Onfray a lui aussi fait les frais de l’Inquisition espagnole. Dans Le Point, Manuel Valls le met en cause directement, parce qu’il « ferait le jeu du Front National » et qu’il « manque de repères ». Réponse du philosopho-libertarien Onfray : « c’est un crétin ».
Enfin, c’est le « sociologue » (avec les guillemets) Emmanuel Todd qui est l’objet du courroux vallsien, pour son stupéfiant Qui est Charlie ?. Selon Todd, les indigènes catholiques de ces vieilles terres blanches et bourgeoires qui font la France, « catholiques zombies » (sic) qui ont défilé pour Charlie Hebdo, ne sont rien de moins que les bourreaux des pauvres musulmans. Valls s’en prend à lui et à « ces intellectuels qui ne croient pas en la France ». Réponse du « sociologue » : « l’optimisme de Manuel Valls est l’optimisme de la Révolution nationale et du maréchal Pétain ». Voilà de quoi colorer le débat.
Lecteur vorace, critique littéraire engagé, le Premier ministre Manuel Valls fait peser sur les intellectuels français qui osent sortir des clous l’épée de Damoclès de la République. Qui sera le prochain à gouter à cette lame républicaine ?
Vivien Hoch, septembre 2015