Mandela a été un homme médiatiquement encensé. Pour la morale bien-pensante actuelle il est sans aucun doute le modèle à suivre et l’homme providentiel de l’Afrique du Sud.
Mais au-delà de tout débat sur le bilan de ses actions, sur lesquelles il y aurait fort à dire, il est possible de percevoir que la réaction des médias vise à inscrire Mandela dans une lignée de prétendus « prophètes ».
Critiquer certaines figures politiques historiques est pour certains inconcevable, et pourtant, nul n’est parfait. Mandela par exemple ne peut être controversé car c’est un « prophète » de l’incarnation de la pensée humaniste. Cette impossibilité même de donner son opinion sur certains sujets est un des effets caractéristiques de l’humanisme moderne.
Rappelons-le, l’humanisme moderne est une philosophie qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les autres valeurs. L’homme doit se protéger de tout ce qui fait obstacle au développement de l’esprit, de tout asservissement. Ainsi il doit se construire indépendamment de toute référence surnaturelle de telle sorte qu’il n’y ait plus que l’homme rien que l’homme, homme source de lui-même, homme digne de sa suffisance.
Concrètement le plus souvent l’humanisme actuel se traduit comme une analyse personnelle de la « morale », et cela particulièrement sur la vision de la politique et de la société. L’homme suit sa propre boussole et « crée » ses propres valeurs. Ses propres goûts et ressentis vont orienter sa vision de la politique et de la société allant dans son sens, sans réel fondements au gré des aléas de sa vie. Le philosophe grec Protagoras enseignait : « Puisque nous sommes doués de langage et que le langage peut dire à la fois le vrai et le faux suivant nos humeurs, autant considérer que la vocation du langage n’est pas la vérité, mais le pouvoir exercé sur autrui ». Cette citation explicite le pouvoir moral de la volonté. On pourra traduire en langage plus commun : « J’ai envie alors j’obtiens, parce que c’est bon pour moi ». Henri de Lubac un théologien du XXe siècle, dans Le drame de l’humanisme athée, montre que l’humanisme athée exalte le libre-arbitre jusqu’à l’excès. Ce libre-arbitre de l’individu n’est autre que l’adaptation permanente de sa morale aux circonstances du moment. Ce sont les circonstances, les éléments conjoncturels qui vont permettre à ces hommes de justifier des idées qui n’auraient pu s’ériger en principe sans consensus.
Il serait possible de s’arrêter à ce point du raisonnement, convaincu que notre société est laïque et que cela va de soi. Mais ce serait renier des caractères fondamentaux de l’homme. Au plus profond de son être l’homme est un être spirituel. Il ne doit pas se laisser entrainer par l’humanisme moderne qui inévitablement a pour conséquence le relativisme moral.
Notre société est bercée par le relativisme, l’homme n’est plus à même de comprendre que tout acte a des répercussions sur la société. Les consciences sont massivement anesthésiés sous prétexte de tolérance, il est par conséquent difficile de dénoncer le relativisme moral.
La morale nait-t-elle de la majorité ?
Il est étonnant d’observer aujourd’hui qu’un homme peut être jugé « bon » ou « humain » par ses contemporains, et que ceux-ci peuvent le proclamer comme tel sans aucune remise en cause possible et à l’unanimité. Cependant l’histoire juge les hommes et les grands passent les époques. Le temps est ami de la sagesse et il s’avère que les figures contemporaines importantes ne sont pas toujours celles qui traversent les âges.