Tribune – Le développement durable, voie royale de l’évangélisation.
En 2006, j’écrivais un article intitulé « évangéliser par le développement durable » (depuis intégré à mon livre Pour une spiritualité sociale chrétienne). A l’époque cela me semblait une évidence, mais j’avais trouvé peu d’écho dans le milieu catholique. Les consciences n’étaient pas prêtes et surtout très préoccupées par les questions bioéthiques. D’une manière générale, nous n’étions pas très nombreux encore à nous intéresser aux questions dites de Doctrine sociale et moins encore à regarder la dimension écologique du problème.
A dire vrai, je ne me sentais pas non plus particulièrement concerné par cette problématique pour deux raisons. La première est que, comme beaucoup de nos générations, tel Monsieur Jourdain nous faisions de l’écologie sans le savoir. En un mot, le respect de la nature était une évidence. La seconde est qu’à l’époque déjà, l’écologie était une idéologie avant d’être un respect de la Création. Pour autant, nous percevions tout de même un début d’engouement pour le développement durable. Le système consumériste et les conséquences de la surconsommation donnaient des signes de gangrène déjà très accusés.
Mais, une évidence plus prononcée encore me semblait nous sauter aux yeux : Avec le monde non croyant nous avons un espace commun, un socle de dialogue : le respect de la Création. Mieux encore, l’expérience chrétienne et les nombreuses mises en garde que nous adressions au monde depuis des décennies, nous donnaient une véritable avance. Pour une fois nous pouvions non seulement ne pas être à la traine, mais être une force de proposition crédible, et surtout audible. Quelques-uns se sont emparés du sujet, sans pour autant toujours échapper à l’idéologisme ambiant, créant une légère césure « droite gauche ». Les clivages de l’échiquier politique profane se sont transportés, comme toujours, dans l’arène du débat catholique sur la question.
Pour autant, une prise de conscience fit son chemin. D’abord parce que la question est celle des jeunes qu’ils soient catholiques ou non. C’est pour eux une cuisante question incontournable. La sexualité les préoccupe moins que les enjeux écologiques. Ensuite, dans la ligne de Jean-Paul II, Benoît XVI a posé de véritables bases à « l’écologie chrétienne », intégrant l’écologie humaine en une écologie intégrale, repositionnant la nature humaine dans la nature tout court, en un lien fort, à la fois existentiel et théologique. Raison pour laquelle, j’aurais personnellement tendance à parler de théologie de la création plus que d’écologie, terme désormais politisé et par certains côtés aseptisé. La forte préoccupation mondiale en la matière et particulièrement dans les jeunes générations ces toutes dernières années à rendu la question incontournable, voire même quotidienne. Dans ce contexte, le pape François franchit un pas avec Laudati si’, sensibilisant l’ensemble des catholiques à la question. Texte contesté, par certains, adulé par d’autres, la polémique n’est pas éteinte !
Alors aujourd’hui que faisons-nous de cela ? Comment nous positionnons-nous ? Il me semble que pour le chrétien, le lien à la nature, à la Création est une évidence théologique qui pose le lien entre le destin de l’Homme et celui de la Création, lieu même de réalisation de ce destin. Une évidence et une exigence, puisque le premier ordre donné par Dieu à Adam est précisément d’avoir le souci de cette nature. Aussi, ce que nous appelons écologie (entendu au sens de la Création) me semble faire partie de l’ADN même du chrétien. A ce titre sa responsabilité est grande vis-à-vis de Dieu, de la Création elle-même et du reste du monde. Nous avons quelque chose à dire sur l’écologie. Nous avons à dire ce que c’est en vérité, loin des récupérations idéologiques et éthiques à la mode. Nous avons à dire la réalité du lien Homme et Création. Nous avons dire la place de l’Homme au cœur du monde. Nous avons à rappeler la prééminence de l’Homme sur la création, mais aussi l’exigence de responsabilité de l’Homme sur la Création.
Nous pouvons participer à l’éducation responsable (et non soumise) des hommes et des femmes vis-à-vis de la Création. Derrière tout cela se pose la vocation de l’Homme à la contemplation. Cet engouement actuel pour la préservation de la nature peut être pour nous l’occasion d’une mise en abime de l’infini divin, le lieu d’une évangélisation par le livre même de la Création.
Il me semble que du fait de ce lien étroit, charnel qui unit le chrétien et la Création, nous sommes les mieux placés pour prendre le leadership sur cette question et de là en faire un formidable enjeu d’évangélisation pour le XXIème siècle.
Cyril Brun
Consultant Anthropos