La croix au pays de Confucius
TRIBUNE LIBRE DE LAURENT LECLERC
Comme tous ceux qui prennent la plume, je ne déroge pas au travers de parler des autres pour parler de moi. Aussi comprendrez-vous aisément, je l’espère, que je débute cet article par la narration d’une anecdote personnelle. Engagé politiquement, j’ai tenté, il y a quelques années, de me faire élire conseiller général d’un petit canton rural de la Manche. Fidèle à ma démarche de vérité, je n’ai nullement caché mon appartenance à un mouvement politique chrétien, au leader controversé, à tort, je le crois. Cette transparence, qui ne constituait nullement un avantage, même dans un canton plutôt traditionnel, je l’assumais avec honneur.
Je m’étais aussi engagé à sillonner le canton et à tenir autant de réunions publiques que de communes, 26, et je revois encore le visage de ma colistière se décomposer un soir en m’annonçant que le seul membre du parti communiste de la commune que nous traversions alors venait d’entrer dans la salle. La soirée allait être tonique à n’en pas douter et elle le fut, positivement !
Mon hôte, très interrogatif sur mon programme comme sur mon engagement, me posa mille questions, avec respect mais insistance, me forçant à une joute intellectuelle de bonne tenue. J’en garde un souvenir ému… vous comprendrez pourquoi !
La discussion s’éternisait lors du pot quand cet homme vient me rejoindre, me félicitant de mon courage et de mes convictions ! Je vous vous assure de mon vote ! Il considérait en effet que les maux dont souffre notre société proviennent en grande partie de sa rupture avec l’Eglise et…le parti communiste. Drôle de mélange !de mon côté, je ne manquais donc pas de le conforter dans son opinion, du moins pour sa première partie ! Je suis en effet depuis longtemps convaincu que nous ne serions pas soumis aux dérives actuelles du capitalisme si nous menions des politiques publiques davantage inspirées par la doctrine sociale de l’Eglise, si nos comportements étaient fondés sur les préceptes de l’Evangile. Voilà pourquoi je me suis toujours engagé, ayant toutefois conscience de l’étroitesse de ce chemin.
Mon récent voyage en Chine m’a conforté dans cette démarche et dans sa pertinence. Quel rapport me direz-vous ? Dans l’imaginaire collectif, la Chine est au mieux attachée aux préceptes de Confucius, du Bouddha ou du taoïsme, mais depuis l’époque de la Révolution Culturelle aux conséquences particulièrement sévères, l’Empire du Milieu verserait dans un communisme agnostique, voire athée. Que nenni ! Non seulement, l’imprégnation confucéenne demeure dans la population et les fidèles du Bouddha largement majoritaires, mais d’autres religions sont présentes et en très forte expansion ! Au premier rang, le christianisme, sous toutes ses formes… Le nombre de jeunes Chinois arborant des croix est surprenant et ravirait plus d’un catholique français, et ce signe est à Pékin partagé avec joie et sans contrainte. Alors, ne nous leurrons pas néanmoins. Vous ne pourrez pas assister à une messe catholique sans être surveillé. Pour cela, vous devrez, à vos risques et périls, rejoindre l’Eglise de l’ombre. Mais en Chine, la croix, la Bible et le visage du Christ pénètrent de plus en plus les maisons, en même temps que les esprit et les cœurs des Chinois. Savons-nous seulement que le christianisme est devenu la deuxième religion chinoise ? Vous comprendrez que le voyageur puisse être, comme je le fus, être en présence d’une croix gigantesque au beau milieu d’une ville millénaire.
Le parti communiste laisse faire, certains pensant qu’il s’attelle prioritairement à des réformes sociales et économiques indispensables avant de reprendre aux Chinois la liberté de conscinece qu’il semble leur concéder. Sans doute, le PCC sait-il aussi que l’URSS est tombée de n’avoir pas su combattre Jean Paul II et chacun sait déjà de quelle aura rayonne déjà François et qu’il n’attend donc que le moment opportun pour agir. L’histoire récente a montré que les dirigeants chinois sont capables de telles mesures.
Et bien pourtant, je ne crois pas que la guerre tactique que se livre le PCC et le Saint-Siège en Chine soit une guerre contre le christianisme. Au contraire, le PCC, pragmatique comme tout chinois, semble avoir intégré tout l’intérêt d’une collaboration sereine avec la chrétienté et son organisation la plus représentative, la papauté. De récents contacts bilatéraux le laissent entendre.
Mais ne soyons pas pour autant naïfs ! Pour un communiste chinois, nulle adhésion au christianisme dans la politique religieuse, seulement, le constat que la voie chrétienne est un chemin qui permettra de renforcer la cohésion de cette jonque immense et innombrable qu’est devenu la Chine.
Face à l’opportunisme du PCC, qui offrira demain à des millions de chrétiens officiellement recensés en Chine (mais combien ne le sont pas encore…) de pratiquer leur foi, ne refusons pas de donner aux Chinois la possibilité de découvrir le Christ et de vivre dans ses pas…
Pour la Chine, le christianisme est peut-être en réalité une chance, l’élément de cohésion qui renforcera un pays dont l’implosion serait la ruine, voir la destruction totale de notre société. Constantin n’aurait pas agi autrement ! Au pays de Confucius et de Mao, que fera le tout puissant Xi Jiping ?