
La médiacratie, de média et kratos « souveraineté », connaît assurément ses heures de gloire en notre pays, comme ailleurs dans le monde. Passant notre temps à passer d’une campagne électorale à une autre, nous voyons avec effroi en permanence se profiler une couverture médiatique omnipotente. Les faiseurs de roi seraient-ils toujours les rédacteurs en chefs ou directeurs de journaux, qui peuvent dire à la suite de Maurice Bunau-Varilla, directeur du journal « le Matin » : « Mon fauteuil vaut trois trônes » ? La démocratie, qui veut faire croire qu’elle conduit le peuple à choisir ses responsables, est-elle une médiacratie ?
Les médias et le relativisme
Média signifiant en latin « milieu », « intermédiaire », les médias devraient être des intermédiaires entre leur public et la vérité. Or là se trouve le vrai problème, ou plutôt la fausse question, celle que Ponce Pilate pose sans se soucier de la réponse : « Qu’est-ce que la vérité ?[1] ». Ce monde marqué par le relativisme a bel et bien pour principe que la vérité est inaccessible, donc qu’elle ne doit être recherchée. C’est bien là que commence la « dictature du relativisme » : surtout ne cherchez pas la vérité ! Comment alors les médias peuvent-ils devenir des intermédiaires d’une vérité non seulement inaccessible, mais surtout que l’on ne doit vouloir atteindre ?
C’est alors qu’une morale se crée, basée sur la vérité du moment, celle qui profite aux puissants, aux lobbies, à l’économie… Les médias ne sont alors plus de courageux explorateurs de la vérité, mais des porte-paroles des faiseurs de vérité. Dans ce trou noir de non-réflexion où le relativisme plonge notre intelligence, des dogmes apparaissent (c’est bien plus reposant !) : l’avortement a libéré la femme, le « mariage homosexuel » c’est le progrès, le patriotisme, c’est mal, … et surtout : la vérité n’existe pas. Paradoxe de ce relativisme qui conduit à affirmer des vérités, dont la première est que la vérité n’existe pas !
Le « fidéisme médiatique »
Robert Ménard, maire de Béziers, ancien président de Reporters Sans Frontière, affirmait que la grande majorité des journalistes sont convaincus d’être dans le camp du Bien. Ainsi, lorsque quiconque veut réfuter les « nouveaux dogmes », les médias n’abordent pas le sujet de manière rationnelle, mais invoquent la « nouvelle morale » [2]. Ainsi, nous sommes conduits à ne plus réfléchir à partir du réel, mais à passer nos idées au tamis de cette pseudo morale moderne, à laquelle on adhère ou on se tait. C’est ainsi que la médiacratie peut s’installer : faisant et défaisant les dogmes au gré des intérêts des « amis », s’éloignant de plus en plus du réel, donc, au final, pensant pour les personnes.
Ces dogmes sont entretenus par la « prière du matin » de l’homme moderne, comme le disait Hegel : la lecture de journaux. Il aurait peut-être assimilé la vie de l’homme du XXIème siècle, connecté toute la journée, à une vie monastique, une vie offerte à la récolte d’information. Ce lavage de cerveaux continu ne nourrissant pas la réflexion était déjà pointé du doigt par Nietzsche lorsqu’il affirmait que « l’introduction de l’imbécillité parlementaire (était) jointe à l’obligation pour chacun de lire son journal au petit déjeuner.« [3]
Avec un tel vocabulaire, nous pourrions donc croire que le monde médiatique soit devenu une religion comme une autre, mais son éloignement fréquent de la raison l’entraîne dans un fidéisme qui conduit au fondamentalisme, faisant des acteurs principaux du monde médiatique des ayatollahs des temps modernes, s’arrogeant le titre de guides spirituels de la révolution médiatique….
Un complot médiatique ?
Doit-on donc attribuer la plupart des maux de notre société aux médias ? Ils font en effet de bons boucs émissaires, puisque n’étant pas de nos proches et ne pouvant se défendre individuellement, notre imagination peut s’emballer sans limite. Il est toutefois bien plus réaliste de voir dans les personnes constituant le monde médiatique nos proches, baignés comme nous le sommes de philosophie relativiste, qu’ils répercutent, souvent avec « bonne foi » et dont ils amplifient le contenu, en bons mégaphones de notre société.
Les médias et le silence
Pouvons-nous lutter contre ce mécanisme de masse ? Ce flux et reflux de communications utilisées à des fins idéologiques peut-il ne pas éroder notre pensée ?
Le silence est une clef qui permet la victoire. Dans le silence, la pensée naît et s’approfondit. Lorsque parole et silence ne s’excluent pas, ils se complètent harmonieusement, la communication acquiert valeur et cohérence.[4] C’est ainsi que le silence devient la condition sine qua non de la communication : » Le silence fait partie intégrante de la communication et sans lui aucune parole riche de sens ne peut exister « [5].
Puissions-nous donc ne pas nous laisser abasourdir par les médias, rester libre de laisser les informations être « mastiquées », « digérées »… pouvant ainsi nous extirper du climat passionnel du simultané, commenter et agir de manière raisonnée…
[1] Jean 8,37
[2] Lors de la 4ème journée de réinformation de la Fondation Polemia, le 15 octobre 2011.
[3] Nietzsche, Par-delà bien et mal, § 208
[4] Benoît XVI, message pour la 46ème journée de la communication, le 24 janvier 2012
[5] Ibid.