L’entreprise au cœur de la tourmente numérique

ordinateur

Le numérique est tout autant un progrès, une chance qu’une angoisse et une tourmente permanente. Il évolue beaucoup plus vite que nous ne sommes humainement capables de l’intégrer dans notre quotidien. Son évolution, comme cette rapidité posent de nombreux problèmes d’adaptation des entreprises, de la société, mais aussi de chaque personne prise individuellement.

Pour garder les pieds sur terre et éviter les différentes paniques, phobies ou théories trop complotistes, je vous propose de prendre du recul afin de comprendre la place de l’homme et de l’entreprise dans cette spirale qui peut-être tout autant vertueuse que vicieuse en
1- Remettant la personne en perspective de la technique et de la technologie
2- En rappelant les deux fées ennemies qui se sont penchées sur le berceau du numérique.
3- En observant les conséquences humaines du numérique dans l’entreprise.

Entre la technique et la technologie il y a la personne humaine.

La technique c’est un art de faire les choses. Un castor possède une remarquable technique pour construire sa hutte. La technologie, pour sa part, est l’art de combiner ses techniques et de les améliorer par des outils divers, plus ou moins sophistiqués.
Mais entre la technique et la technologie, il y a l’Homme. Cette intelligence qui va mettre en place une technologie pour améliorer la qualité des tâches techniques. Ces améliorations ne datent pas d’aujourd’hui et elles visent à améliorer la qualité de la vie humaine, plus exactement à la facilité, pour sortir d’un certain déterminisme imposé par la nature.

Une des dérives de la technologie est de vouloir lutter contre la nature, la dominer et à l’extrême, s’en affranchir totalement. Poussée au bout de ce raisonnement, nous trouvons, le transhumanisme et le post humanisme, cherchant à créer un Homme sans aucune dépendance à la nature.
Et cette vision excessive fait peur. Peur pour son côté apprenti sorcier. Mais aussi peur existentielle de l’homme se demandant quelle devient sa place devant des outils de plus en plus performants. Une angoisse qui s’ouvre, professionnellement vers la question de l’inutilité et de la course ininterrompue de la performance pour prouver qu’on vaut mieux qu’une machine.

En revanche, si la technologie demeure au service de la personne humaine elle devient une aide précieuse qui a fait ses preuves plus d’une fois. La question de fond qui se cache derrière l’avancée technologique est donc celle de son rapport à l’Homme.
Si l’être humain a peur de la technologie, alors celle-ci ne joue plus pleinement son rôle d’aider l’homme. La peur, comme je l’explique dans mon parcours de bilan personnel, c’est un voyant d’alerte. La peur nous invite à prendre en compte un problème. Mais la première chose à faire pour prendre en compte un problème est de l’analyser. La peur vient bien souvent de l’inconnu. Et une fois identifiés les contours d’un problème, la peur tombe bien souvent.

Il en va de même de la technologie. Phobies, angoisses, fantasmes, complotismes, peuvent générer une inquiétude non fondée face à la technologie. Rationaliser la peur permet de la dépasser en constatant qu’il n’y a aucun danger. Mais si nous pouvons avoir peur de la technologie c’est que nous avons expérimenté que tout n’était pas toujours bon dans le progrès technologique.
Il y a donc une sagesse à prendre en compte pour tout ce qui touche à la technologie. Car la technologie peut entraîner des souffrances soit par la faute du concepteur de la technologie, soit par la faute de l’utilisateur. Celui-ci peut soit mal utiliser la technologie, faute de formation adéquate, soit détourner la technologie de son usage premier bon, vers un usage mauvais.

Une technologie maîtrisée rassure. Mais une technologie sans contrôle inquiète. Bref, pour le bien de l’être humain, pour son bien être le plus quotidien, c’est à dire délivré des angoisses liées à l’usage de la technologie, il faut que cet usage reste sous le contrôle de l’Homme. Si la personne humaine est destinataire de la technologie, il doit la maintenir à sa place de service de l’humanité.

Et cette responsabilité incombe à tout être humain, à chaque instant, à chaque usage de la technologie. Il y a donc une éducation à la responsabilité technologique, vitale pour le bien être le plus quotidien de chacun. Nous laisser dominer, dans notre quotidien, par la machine est profondément anxiogène, car c’est une épée de Damoclès permanente sur notre tête.
Lorsque nous maîtrisons le fonctionnement de la machine, ne serait-ce que par ce que nous le comprenons, nous gagnons en liberté parce que, en cas de problème, nous gardons la main, nous savons réagir. En d’autres termes, nous gardons notre responsabilité, nous ne sommes pas réduits à de passifs robots démunis.

Et cela est profondément libérateur. La connaissance libère de l’angoisse, parce que la connaissance nous offre d’éventuelles portes de sortie face à un problème potentiel.

Mais la technologie est mise au service d’utilisateurs grâce au talent de concepteurs. Et certaines technologies peuvent porter en elles-mêmes, des germes dangereux et donc anxiogènes aussi. En plus de l’usage, disons vertueux, d’une technologie, il se pose la question de l’opportunité de nouvelles technologies.

La question fondamentale étant : cette nouvelle technologie est-elle au service du bien de l’Homme ? C’est-à-dire, va-t-elle permettre à l’Homme de vivre mieux, de s’épanouir, d’être heureux et donc sans inquiétudes nouvelles ?
Au fond cela suppose de répondre à une question fondamentale : Qu’est-ce qui est bon pour l’être humain ? Mais pour savoir ce qui est bon pour l’être humain, il faut pouvoir répondre à la difficile question de « qui est l’Homme » ? Car derrière qui est l’Homme se trouve la réponse à la question du bonheur de l’humanité.

Alors, la technologie, cette technologie, faite par l’homme et pour l’Homme, est-elle bonne pour lui ? C’est-à-dire, cette technologie conduit-elle l’Homme vers son bonheur ? Que ce soit par de petits détails du quotidien, comme la machine à café, ou de grandes orientations, comme l’invention de la roue, la question reste la même et de la réponse dépend le véritable bien-être, mais aussi le bonheur de chacun : la technologie permet-elle à l’humanité d’être heureuse, en vérité ?


Dès sa naissance, le numérique est entre deux mondes qui s’opposent.

La question du bonheur de l’Homme se pose donc naturellement avec cette technologie particulière qu’est le numérique. Et, aujourd’hui, le numérique, qui a envahi le moindre espace de notre vie est un enjeu économique, mais aussi idéologique et anthropologique. Il pose la question fondamentale de l’être humain en relation.
Le numérique, en effet, est un moyen de mise en relation. J’insiste sur tous les termes : numérique, moyen, mise en relation.
Comme numérisation, c’est une réduction chiffrée. Or nous savons que la relation ne se résume pas à des modélisations chiffrées. Ce n’est donc pas l’intégralité de la réalité.

Comme moyen, c’est un entre deux qui permet de relier, d’atteindre un but. Ce n’est donc pas un but en soi.
Comme moyen, c’est particulièrement une mise en relation quelle que soit la forme de relation et quels que soient les deux bouts de la relation. Comme mise en relation, ce n’est pas une relation.
L’ambiguïté du numérique est d’être une présence absente. L’autre est là, mais sans être là. C’est une classification contradictoire de la relation qui modifie en bien des aspects le rapport à l’autre présent/absent et au monde, immédiat et lointain. Il y a du vide présent, dans un présent vide. Ce qui existentiellement peut se révéler extrêmement perturbant, voir déstructurant.

Mais la peur profonde liée au numérique tient aux circonstances mêmes de sa naissance, à la foi libérale (des jeunes hors du systèmes dans leur garage) et totalitaire, par des Etats désireux de maîtriser d’abord et de contrôler ensuite, voire pire parfois.
Aussi le numérique oscille entre liberté et servitude, deux domaines conflictuels, mais dangereux. Le mauvais usage de la liberté peut faire de gros dégâts, comme un manque de contrôle peut entraîner des drives non moins dangereuses. Le numérique suppose donc, un apport particulier de la personne humaine. Un apport que seul l’Homme est capable d’offrir au monde, la responsabilité.

Sans responsabilité, le numérique est un tyran. Un tyran au nom de la liberté, tout autant que du contrôle. La question sécuritaire aujourd’hui en est un des exemples les plus vifs qui amène au problème particulier du numérique : l’idéologie.

Le numérique se trouve au cœur des idéologies libérale et totalitaire qui aujourd’hui se font la guerre sur le dos du numérique créant de nouvelles situations anxiogènes. Ainsi, le numérique, devenu indispensable, transporte avec lui un virus inquiet qui déstabilise le quotidien, consciemment ou inconsciemment.

On se sent pris, impuissant dans les mailles d’un filet numérique dont l’immense majorité des utilisateurs ne comprennent pas le fonctionnement. Ils subissent, inquiets par moment, innocents par d’autres aspects et souvent sans trop vouloir se poser la question, un moyen de relation utile, mais devenu vitale au point que son absence elle-même pose problème et décide de certaines stratégies personnelles, comme le déménagement, le choix de localisation des entreprises etc.

Il y a avec le numérique plus qu’avec d’autres technologie, une nécessité de responsabilité dans l’usage comme dans la création afin de maintenir le numérique comme moyen au service et non d’intégrer l’humain dans une chaîne de servitudes liées à la dépendance et à l’inconnu. Se pose à nouveau la question du lien entre numérique et bonheur de l’Homme.

Le numérique un anxiogène profond dans l’entreprise : quand la constance est l’instable

Les entreprises constatent de façon expérimentale et empiriques les bienfaits et les nuisances du numérique. Elles voient tous les avantages technologiques du numérique. Mais d’une part toutes n’ont pas les moyens d’assumer le coût d’une mise à jour permanente et d’autre part, ces avancées technologiques ne sont pas sans conséquences sur la personne au travail.

Premièrement, nous sommes passés de mutations inter générationnelles à des mutations générationnelles et aujourd’hui intra générationnelle. Autrefois il fallait plusieurs générations pour avoir des innovations technologiques importantes et lourdes à digérer. Puis le fait s’accélérant, en une génération il fallait intégrer de nouvelles technologies. Mais aujourd’hui c’est au sein de la même génération qu’il faut sans cesse assimiler de nouvelles technologies numériques.

En d’autres termes, aujourd’hui, la constance est l’instable. L’instabilité professionnelle, au sein d’un même poste, est devenue une constante. De sorte que la personne au travail ne peut plus se poser dans le temps pour épanouir l’acquis.
Ce qui crée un déséquilibre d’autant plus épuisant que tout le monde ne peut pas suivre la mise à jour technologique. S’installe alors un sentiment d’obsolescence humaine personnelle ouvrant grand le chemin du burn-out. J’en parlerai dans un autre article.

Or l’entreprise, comme le numérique, n’est qu’un moyen en vue d’une finalité bien plus grande : le bonheur de l’Homme. L’entreprise y contribue à deux niveaux :
– Comme maillon de la chaîne de production, cela pose la question de bons produits et de produits éthiques.
– Comme lieu d’épanouissement de ses employés.

C’est pourquoi, le rapport des RH au numérique est une question de performance, mais aussi de management.

Dans un bilan personnel ou un bilan de compétence, il est fondamental de prendre en compte, selon certains métiers, cette particularité nouvelle du numérique qui peut-être à l’origine de démotivations, de burn-out, mais aussi de pertes de compétences et donc de désorientation.

Si vous voulez aller plus loin, je vous invite à découvrir le parcours de Bilan de compétences en 12 étapes à domicile que je vous propose dans cet e-book gratuit.

Cyril Brun

Vous pouvez également retrouver la version vidéo de cet article sur la chaîne youtube de Bilans personnels

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Cyril Brun

Author: Cyril Brun

Cyril Brun est journaliste du vin, critique gastronomique, historien, philosophe et ancien chef d'orchestre Diplômé de maitrise du vin, il est dégustateur et formateur, journaliste et critique gastronomique pour plusieurs magasines ou sites. Titulaire d'une maîtrise en histoire médiévale et d'un doctorat en histoire de l'antiquité, il a été chargé de TD sur Rome et la Grèce archaïque à l'université de Rouen, puis chargé de cours sur la Grèce archaïque et classique, la Mésopotamie et l'Egypte à l’université de Quimper. Les travaux de sa thèse portent sur l'Afrique romaine au IIIème siècle après Jésus Christ, mais il s'est ensuite spécialisé sur la Grèce classique tant pour sa religion que pour ses philosophes. Il parcourt la France pour donner des conférences sur l'anthropologie classique, les peuples mésopotamiens mais aussi la musique, rédiger un guide oenotouristique. Chef d'orchestre depuis l'âge de 16 ans, il a dirigé divers ensemble en se spécialisant dans la musique symphonique (avec une prédilection pour Beethoven) et la musique Sacrée. Il a été directeur artistique et musical de diverses structures normandes : Les jeunes chambristes, la Grande chambre, Classique pour tous en Normandie, les 24 heures de piano de Rouen, le festival Beethoven de Rouen, Le Panorama Lyrique Ces compétences en philosophie, en histoire, en musique, mais aussi en littérature l'ont amené a écrire dans diverses revues musicales ou historiques, comme critique ou comme expert. Poussé par des amis à partager ses nombreuses passions, ils ont ensemble fondé Cyrano.net, site culturel dans lequel il est auteur des rubriques musicales et historiques. Il en est le directeur de la rédaction. Il dirige le site musical CyranoMusique dont il est le propriétaire ainsi que du média culturel Rouen sur Scène. Il est directeur d'émissions culturelles (le salon des Muses) et musicales (En Coulisses), sur la chaîne normande TNVC Il est l'auteur de Le Requiem de Mozart, serein ou Damné ? Les fondements de l'anthropologie chrétienne Une nuit square Verdrel La Vérité vous rendra libre