Rapport OCDE novembre 2013, L’école au prisme de la compétitivité, des remèdes inefficaces
Parmi les remèdes proposés pour améliorer les choses, concernant le primaire et le secondaire, le rapport met l’accent sur « la qualité de l’enseignement et de la transmission du savoir ». Il n’y a rien à y redire en soi, mais la philosophie pragmatique qui est celle du rapporteur le conduit aussitôt à penser qu’enseigner relève avant tout d’un certain nombre de techniques, est donc d’abord de l’ordre d’un savoir faire. Or, c’est faux : si vraiment la marque du savant est la capacité d’enseigner (Aristote), c’est le savoir qui prime, un savoir qui s’apparente à une forme de sagesse, ou capacité de bien juger. Mais il est vrai, c’est là sans doute un vocable inconnu des thuriféraires de l’OCDE.
Pour ce qui est des établissements dits difficiles, autrement dit de banlieues, le rapport préconise une formation spécifique des enseignants, un soutien aux équipes, des conditions de travail améliorées et des incitations financières. Fort bien, mais parfaitement inefficace. Car, outre les difficultés financières et de statut du personnel auxquelles on se heurterait (car il faudrait une différence vraiment incitative, mais qui créerait en retour une division du corps enseignant), c’est encore supposer que les problèmes sont d’ordre technique, et que les difficultés des élèves sont purement d’ordre scolaire. Ce qui est inexact. Des solutions existent : le Cours privé Alexandre Dumas de Montfermeil en est la preuve. Mais il est fondé sur une philosophie de l’éducation qui est aux antipodes de celle que suppose l’OCDE. C’est pourquoi pareillement inefficaces seraient des financements différentiés des établissements, si ceux-ci ne modifient pas leur approche de l’éducation. Il ne s’agit pas de leur donner plus d’autonomie, car ils en ont aucune. Il s’agit de les libérer du carcan qu’est l’Education Nationale en France, carcan administratif, mais aussi intellectuel. C’est pourquoi encore, la lutte préconisée contre le redoublement est vaine, quand elle n’est pas démagogique. Le redoublement n’est pas en soi un problème, c’est l’enseignement scolaire public qui, de manière générale, ne fonctionne pas bien, et qui fait que le redoublement est souvent un échec.
On peut s’étonner du reste que le rapport ne fasse pas du tout état de la diversification en cours de l’offre scolaire en France, et avant tout de l’émergence du hors contrat, qui reste modeste en dimension, mais représente un réel espoir pour le pays. A l’inverse, le rapporteur tombe dans le travers de combattre la liberté du choix de l’établissement par les familles, au nom de la lutte contre la « ségrégation des élèves par milieu socio-économique ». Il se fait donc le défenseur de l’égalité. Cela suppose que la mixité, envisagée uniquement sous le rapport de la richesse, comme si c’était le seul, ou même le premier critère de différence, est par nature un atout pour la réussite. Le raisonnement sous-jacent est d’abord que c’est affaire de justice, et aussi sans doute que cela entraînerait les élèves les moins doués vers une saine émulation. Outre le fait que cela tend à dire que des élèves d’un milieu pauvre sont a priori moins doués, cela présuppose encore que les difficultés peuvent être résolues dans et par l’école. Or, c’est ce qui est faux dans l’état actuel des choses, car l’école n’est pas aimée, et car elle est méprisée. Elle n’est pas aimée car subie dans une large mesure, et elle est méprisée car en échec. Et elle est en échec car elle ne prodigue pas le savoir, et ne le fait donc pas aimée. Partant, elle perd son sens. Et vouloir en faire un pur instrument socio-économique induit cette perte de sens. Accorder la liberté scolaire aux familles est le premier moyen de contribuer à renverser ce mouvement.
Les mesures préconisées pour le supérieur sont de la même veine, avec le mythe d’une Université en pleine phase avec le monde du travail, comme s’il était évident que c’est sa vocation première. L’accompagne l’idée d’une cartographie du marché du travail, censée faciliter cette interrelation. Entreprise dans une large mesure vaine là encore, car c’est toujours évolutif, et l’on n’accordera jamais les tempi. Le rythme de l’Université, et même des écoles supérieures, ne saurait être le même que celui d’un monde du travail en perpétuelle effervescence – ce qui est, du reste, en soi une difficulté. Là encore, c’est la question du savoir qui est en jeu : une approche pragmatique de celui-ci est vouée à l’échec, quand une excellente formation générale donnera toujours la possibilité de s’adapter à des situations nouvelles, et quand un apprentissage professionnel par cooptation au sein de l’entreprise a déjà résolu en principe la question du débouché économique.
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