
Quel destin surprenant que celui de Charles de Gaulle ! Visionnaire, il avait prévu la débâcle en constant la faiblesse de notre armement. Est-il toujours visionnaire lorsqu’il lance cet appel alors passé inaperçu ? Qu’a-t-il en tête ? Se doutait-il, lui qui avait un sens aigu de l’histoire, que 74 ans plus tard le 18 juin raisonnerait encore aux oreilles d’un pays dévasté par une sourde guerre civile menée par les ennemis de l’intérieur ?
Que reste-t-il de cette France libérée par son peuple ? Un vague souvenir, une référence évanescente, un symbole que le nouveau pouvoir veut parfois nous interdire. Au fil des années, le grand Charles, contesté, adulé, décrié, divinisé s’est imposé comme l’unique figure incarnant la France. Il a même finit par être récupéré par les socialistes eux-mêmes. Le secrétaire d’État aux anciens combattants ne se plaçait-il pas sous son patronage le 8 mai dernier ? Déjà François Mitterrand en faisait son mentor secret, comme aujourd’hui François Hollande ne fait rien s’en se comparer à Nicolas Sarkozy.
L’homme de la libération, l’homme du redressement de la France, l’homme d’une certaine idée de la France est toujours là, comme l’unique recours, la dernière espérance. Mythe épuré, caricature refuge de son camp, de Gaulle semble discrètement omniprésent. Pourquoi ? Etait-il si extraordinaire, si visionnaire ? Peut-être ! Combien d’hommes d’État ressortent avec un tel brio depuis Clemenceau ? Faut-il une guerre pour faire des hommes ? Le fait est que depuis l’abdication de Charles le paysage politique est médiocre et étriqué. D’une idée de la France nous sommes passés à une idée de la société puis à une idée de l’international. Giscard a oublié et se moquait de son pays. Il voulait y apporter sa marque. Terrible lubie des noms d’emprunt qui nous vaut une première lourde dénaturation de la société, interdisant le permis de tuer. Mitterrand ne s’intéressait pas davantage à la France, il servait une idéologie qui appuyait ses ambitions personnelles.
Le drame de notre époque est d’avoir laissé la place aux médiocres. Les bons d’aujourd’hui (et cela se vérifie dans de multiples domaines) sont les moyens d’hier. Or l’activité principale de ces derniers consiste à s’accrocher aux fauteuils qu’ils n’auraient jamais dû atteindre. Et ils ne le savent que trop bien ! Alors plus question de France, plus question de valeurs plus question de liberté ! Tout cela est bien trop dangereux ! En lieu et place il s’agit d’établir l’égalité, c’est-à-dire de façonner à son image des prototypes aseptisés qui surtout ne dépasseront pas les petits chefs. A la grandeur de la France et de l’homme, au mérite des grands, s’est substitué le dieu des incapables, l’égalité facile du nivellement par le bas.