Famille et entreprise ou l’impossible mariage
L’homme est un tout ! Il est mortifère de vouloir créer en lui et autour de lui des cloisons hermétiques qui compartimenteraient son existence et isoleraient sa vie privée de sa vie publique, sa vie professionnelle de sa vie familiale, ses convictions profondes de ses activités quotidiennes. L’hyperspécialisation des tâches ou des disciplines tend depuis plusieurs siècles à une telle sectorisation qu’il devient difficile à l’homme moderne de couper à une certaine schizophrénie.
L’homme est un tout et il est le même en famille ou au travail. Voilà pourquoi l’entreprise, d’une manière ou d’une autre, doit être associée et partie prenante d’une certaine politique de la famille.
Avant tout autre chose, il convient d’éviter de les mettre en concurrence. L’entreprise n’est pas la méchante structure qui empêche l’épanouissement de la vie familiale. Pas plus que la famille n’est ce monstre impondérable qui entrave la bonne marche de l’entreprise. L’idéal n’est pas de favoriser les familles contre les entreprises, ni de chercher à limiter l’impact des familles sur la vie de l’entreprise. Ce sont deux structures complémentaires, pour cependant une même finalité, l’épanouissement de l’homme. Elles n’entrent donc en concurrence qu’à partir du moment où l’une des deux perd de vue sa finalité. Et la famille pas plus que l’entreprise n’est exempte d’une telle déviance.
Une fois que chacune des deux entités (et je considère l’Etat employeur comme n’importe quelle entreprise) est assurément orientée vers le bien de l’Homme (lui-même par ailleurs défini), se pose alors la question de cette complémentarité. Comment famille et entreprise vogueront-elles de concert au service du développement intégral de la personne humaine ?
Cela implique de penser l’entreprise dans son lien avec la famille et réciproquement. Or le lien qui va de l’une à l’autre c’est l’Homme lui-même. L’Homme comme travailleur. L’homme comme époux/épouse, père/mère, fils/fille.
En période de crise le travailleur et donc sa famille doivent accepter les réajustements passagers ou les « coups de feu », les veilles de fêtes par exemple. Ceci n’est ni un scandale, ni une exploitation. De la même manière, l’entreprise doit pouvoir rester souple vis-à-vis des imprévus de la vie.
Toutefois, si la famille est la cellule de base de la société, c’est bien à l’entreprise de prendre en compte la réalité familiale voire de se construire autour de cette réalité. En d’autres termes, la vie de l’entreprise ne doit pas prévaloir sur celle de la famille. Si tel était le cas, cela signifierait que l’entreprise aurait perdu de vue sa finalité ultime ou qu’il y aurait un conflit de devoir d’état. Dans le premier cas se pose donc la question de la pertinence d’une telle entreprise, ce qui est un autre débat. Le second cas nous rappelle deux points essentiels. D’une part, tout travail ne convient pas nécessairement à toute personne. Une mère de famille nombreuse ne peut exiger de son entreprise qu’elle la libère constamment pour s’occuper de ses enfants. D’autre part, la vie n’étant ni linéaire ni rigide, l’entreprise comme la famille doit pouvoir s’adapter ponctuellement. En période de crise le travailleur et donc sa famille doivent accepter les réajustements passagers ou les « coups de feu », les veilles de fêtes par exemple. Ceci n’est ni un scandale, ni une exploitation. De la même manière, l’entreprise doit pouvoir rester souple vis-à-vis des imprévus de la vie.
Mais pour garder cette souplesse, il faut l’avoir anticipé, c’est-à-dire avoir intégré une certaine politique familiale dans la marche et la vie de l’entreprise. Si l’employé doit être conscient des impératifs et impondérables de l’entreprise dans laquelle il rentre (afin de discerner si celle-ci est compatible avec la vie de sa famille), l’entreprise pour sa part doit avoir connaissance des exigences de toute vie de famille. L’ignorer, c’est finalement refuser de reconnaître à ses employés tout un pan de leur dignité. Entreprises et familles ne doivent pas se tourner le dos et pour avancer ensemble l’une comme l’autre doivent connaître les forces et les faiblesses de l’autre. Ce qui ne devrait pas être impossible dans la mesure où les entreprises sont faites d’hommes et au-delà… de familles !
Les entreprises doivent donc avoir une « politique familiale » et cette politique doit être relayée mais aussi partagée par les syndicats et les comités d’entreprise. L’employé et sa famille ne peuvent être pris en otages entre patrons et syndicats. De même, la mise en place d’une politique familiale ne doit pas devenir un enjeu de pouvoir au sein de l’entreprise. Au contraire, la famille doit être une des valeurs de l’entreprise. Or chacun sait que les entreprises qui résistent le mieux, celles où les employés se sentent le mieux, sont celles qui voient en l’homme une personne globale et, bien souvent, ce sont des entreprises familiales.