Le dirigeant idéal n’existe pas, faut-il s’en plaindre ?

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Souvent, les organisations prises en main par un nouveau dirigeant constatent avec amertume que le recruté ne fait finalement pas l’affaire. Après avoir discuté avec nombre de dirigeants recruteurs ou nouvellement nommés, nous avons constaté que l’échec du recrutement d’un nouveau dirigeant provenait presque systématiquement d’un manque de réalisme.

La feuille de route ressemblait plus souvent à celle d’une mission impossible  qu’à un ordre de mission approprié au contexte de l’entreprise. Adressant tous les enjeux les plus critiques des organisations modernes, elle requérait du candidat qu’il excelle sur tous les fronts, à la fois.

Manfred Kets de Vries classifie dans un article récent[1] huit archétypes de leaders pour faire face à ces enjeux:

  1. Le stratège : comme au jeu d’échecs, il fait évoluer l’organisation de l’entreprise et définit une vision et une orientation stratégiques à partir de ses réflexions sur l’environnement concurrentiel pour générer de la croissance à long terme.
  2. Le catalyseur : sa mission est de retourner l’entreprise. Il aime les situations désespérées. Il est maître en réingénierie, crée et bâtit de nouveaux modèles d’organisation.
  3. Le faiseur de transactions : il s’appuie sur les bons partenaires et signe des contrats dont l’entreprise tirera profit. Il sait identifier, saisir et négocier les nouvelles opportunités.
  4. Le constructeur : il est d’abord un entrepreneur. Il rêve de créer quelque chose et a le talent et la détermination pour faire aboutir son rêve.
  5. L’innovateur : il provoque la génération d’idées nouvelles. Il se focalise sur la nouveauté et sait résoudre les problèmes complexes.
  6. Le processeur : il a le culte de l’efficacité avant tout. Il transforme l’entreprise en une machine bien huilée. Il met en place les structures et les systèmes nécessaires au soutien des objectifs de l’organisation.
  7. L’entraîneur : il conçoit le leadership comme une forme de développement des personnes. Il tire le meilleur des personnes en mettant en place un environnement favorable à la prise de responsabilité.
  8. Le communicateur : il sait faire passer l’information. Grand prescripteur, il a un impact considérable sur tous ses interlocuteurs dans et en dehors de l’entreprise.

Le dirigeant capable de se définir simultanément sur ces huit archétypes n’existe pas. Plus précisément, il ne peut répondre seul à ces attentes. Tôt ou tard, ceux qui en ont la prétention cèdent à la tentation despotique et font courir un risque fatal à leur entreprise. C’est le syndrome d’hybris[2].

Pourtant l’entreprise pérenne est celle qui parvient à résoudre tous ces enjeux, mais pas dans cet ordre, ni sans hiérarchie.

Au CEE, notre conviction est que, quel que soit le contexte, le bon dirigeant est celui qui utilise l’autorité qui lui est confiée avant tout pour développer un cadre responsabilisant et des relations de confiance entre les collaborateurs tout en se focalisant sur la transmission de l’information qui permet à chacun d’eux d’accomplir sa mission (archétypes 7 et 8). Ce n’est que lorsque l’environnement et les règles du jeu sont en place qu’il peut adresser en équipe les autres sujets (archétypes 1 à 6), en s’entourant des collaborateurs capables et désireux de s’y investir, selon les délégations définies et accordées au fur et à mesure, en fonction des aspirations et des résultats. Le chef d’orchestre n’est pas un homme orchestre, il lui arrive de jouer d’un instrument mieux qu’un autre, mais c’est anecdotique ; les musiciens attendent de lui qu’il créé l’environnement pour qu’ils jouent ensemble et chacun leur partition le mieux possible, rien de plus, rien de moins.

Le dirigeant idéal n’existe pas. Il n’y a pas lieu de s’en plaindre, ni de s’en réjouir, c’est ainsi. Cette insuffisance lorsqu’elle est reconnue et acceptée, devient une opportunité de construire ensemble une communauté de personnes imparfaites mais complémentaires capables d’œuvrer au service du client. Le dirigeant n’est pas le moins imparfait d’entre eux. Il est juste celui qui, par son exemplarité, son aptitude à diriger et son goût des autres, est mandaté pour donner à l’œuvre commune tout son sens.

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[1] The Eight Archetypes of Leadership  – Pr. Manfred F. R. Kets de Vries – INSEAD – HBR Blog Network

[2] Le syndrome d’hybris (démesure en grec) : sentiment de toute-puissance et d’invulnérabilité, peut se manifester chez ceux qui ont un pouvoir démesuré

 

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Author: Hugues Morel