
Si le site de Montmorillon ne garde pour ainsi dire pas de traces de l’antiquité romaine, la table la plus en vue de la ville de l’écrit et des métiers du livre, plonge la cité des bords de la Gartempe au cœur du souvenir légendaire de Rome. Comme bien des restaurants, le Lucullus de Montmorillon s’est placé sous le patronage, un rien fantasque, d’un des plus grands généraux romains, ami de Sylla et de Cicéron, descendant d’une puissante lignée consulaire. Richissime général victorieux, il finit sa vie retiré dans sa villa, célèbre pour ses jardins, devenue aujourd’hui la non moins célèbre Villa Médicis, résidence des prix de Rome français. Mais si le généralissime patronage est de nos jours encore recherché, c’est pour le faste de la table du sénateur. On ne sait rien des menus, sinon qu’ils étaient pantagruéliques avant l’heure et que l’homme, même seul, « se recevait » selon la formulé passée à la postérité « ce soir Lucullus, reçoit Lucullus ».
Sans transition, la table montmorillonnaise est bien plus sobre que ne devait l’être celle du vainqueur de la première guerre mithridatique. Pour autant, le chef, Alban Galpin, vous sert comme s’il était votre cuisinier particulier, titillé à l’idée des défis qu’allergies ou autres interdits lui lancent. Le service est aimable et charmant, professionnel et détendu, en ce soir d’été.
La terrasse sent bon le soleil rafraichi du soir, et le cocktail charentais, inauguration vespérale d’un séjour en Haut-Poitou, au pays de vins peu connus, mêlent avec une pointe de vivacité, Armagnac,, Cognac et crème de cassis, dans un ensemble toutefois trop sucré. L’amuse-bouche en forme de tartare d’algues et tataki de thon légèrement sucré s’accorde parfaitement avec le cocktail, sans que cet agréable goût de mer ne vienne perturber la rondeur du verre. Accompagné d’une mise en bouche basilique (qui demeure longtemps présent au palais), sorbet et balsamique offrent aux papilles l’occasion d’un vrai moment de finesse, original quoique une fois encore trop sucré.
Le Sauvignon blanc 2019 de La Tour Beaumont, très vif, aux agrumes pamplemousse mentholée, presque pétillant laisse toutefois une amertume d’amande en bouche, sur un fond de lilas qui succèdent avantageusement au cocktail, sur les mises en bouche. Il s’accorde tout aussi bien au tartare de maigre mariné au gingembre, fondant et saisi à souhait. Le vin permet même d’assouplir le trop de gras de la marinade en bouche qui écrase le tout qu’aurait pourtant pu rendre aérien les algues qui l’accompagnent.
Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Ce Sauvignon décidément regorge de potentiel et se déploie merveilleusement avec le Sandre parfaitement rôti, laissant la chaire fine et fondante, tout comme l’artichaut gouteux et craquant en une même bouchée. Les escargots confits agrémentent d’originalité un plat joliment dressé, malgré la sécheresse de leur extérieur. Les légumes, craquants eux aussi, donne une touche d’unité à l’ensemble cependant gâté par l’huile, bain de gras de l’assiette.
Il en va de même du dessert, sorbet menthe fraiche extrêmement lourd et soupe de fraise.
Au final, l’accueil est agréable, tout le monde se met en quatre pour le plaisir du client, mais l’esbrouffe de la présentation ne parvient pas à masquer la lourdeur de l’ensemble (les photos parlent d’elles-mêmes), d’autant plus décevante que pris un à un, les produits sont bien traités, la cuisson maitrisée et les alliances bien pensée.
Restaurant visité le 16 juillet 2021.