Nichés dans le vieux Rouen, au cœur de sa plus belle histoire, les Nymphéas font face à l’ancestrale demeure de Pierre Corneille, aujourd’hui musée. Débouchant sur la place qui vit brûler la Pucelle d’Orléans, la rue de la Pie offre une opportunité paisible au gastronome qui passe le porche renaissance de la courette en forme de place médiévale privée cernée des baies vitrées de cette maison gastronomique qui régale les rouennais au fin palais et les touristes en quête d’émotion gustative, depuis plus de trente ans.
La paix et la sérénité, portées par le cadre autant que par un service haut de gamme, saisissent le gastronome au simple franchissement de la porte ouvrant sur la vaste salle à pan de bois. Le sourire de l’accueil vous conduit à travers les tables de blanc nappées, dans des fauteuils contemporains et confortables, totalement fondu dans ce décors, théâtre de siècles de rencontres, de confidences et d’histoires privées, anecdotiques au regard de la grande Histoire, mais qui ont fait et font encore la vie de cette salle, s’épanouissant l’été en ce qui est assurément la plus belle terrasse de Rouen.
Si le cadre nous enlève hors du temps, le voyage se poursuit dès l’apéritif. L’amateur de whisky, de champagne, de porto trouvera verre à son palais dans le vaste choix qui ne connait guère de concurrence sur la place Normande.
Dans cet enivrement des sens, laissez-moi vous compter la belle histoire de cette maison. Habitée de nombreuses années par le chef étoilé Patrice Kukurudz, le personnel, viscéralement attaché au lieu et désireux de perpétuer la tradition d’excellence qui depuis longtemps faisait la réputation de la table, a décidé en 2013 de reprendre les lieux pour écrire un nouveau chapitre. Un chef, un chef pâtissier et un maître d’hôtel chevronné… pensez si le tiercé ne manquait pas d’être gagnant. Mais tout récemment, une nouvelle chef s’est imposée en cuisine apportant son style et ses passions italiennes à la carte toujours empreinte de notre Normandie d’hier et d’aujourd’hui.
Des amuses-bouches plus frétillants ont fait leur apparition, le homard s’est imposé, les escargots ont voyagé dans d’autres univers, les Saint-Jacques ont épousé la clémentine. Le chef pâtissier pour sa part maintient le soufflé sur l’une des plus hautes marches du podium rouennais et décline avec créativité les fruits de saison.
Le vin, enfin, n’est pas en reste et l’on y découvre de jolies pépites, comme de vénérables et emblématiques flacons. L’accord mets et vins, pour qui se laisse guider, est à lui seul un voyage en première classe. Je n’en citerai qu’un qui m’a récemment émerveillé par sa perfection, le Porto Graham’s LBV 2016 et le plateau de formages de chèvres et de brebis.
De proche en proche, du pallier souriant aux mignardises légères et savoureuses, le voyage se fait immersion dans le temps, œnotourisme et virée normande avec de belles excursions aux soleils du sud.
Nul doute que Corneille eut traversé la rue pour faire des Nymphéas sa cantine, y inviter Boieldieu pour s’inspirer ensemble des harmonies de saveurs qui ont ici élue demeure