
Rare et archéologique tel est le profil atypique de ce vin qui aurait pu figurer dans le cabinet des curiosités des érudits de la Renaissance. Eh oui, le vin c’est un voyage, un rêve un mirage qui permet tous transports. Nul de besoin de littérature fantastique, un verre de vin peut bien souvent suffire à nourrir l’imagination, ou plus exactement à la réveiller. Car le vin, fonctionne bien mieux que Freud pour ce qui est d’aller chercher dans l’inconscient de la mémoire les richesses enfouies. Mieux qu’un long discours philosophique il nous révèle le fonctionnement de notre cerveau, de notre intelligence, de notre volonté et de notre mémoire.
Mais où donc nous emmène-t-il avec ces circonlocutions métaphysiques ?
Mais au cœur du vin ! Au cœur de notre relation au vin ! Suivez-moi vous allez comprendre ! Emportez avec vous un joli verre de ce Picpoul de Limet, plus encore que moi, il sera votre guide. Contemplez-le ! Il est fait de nombreux éléments très concerts. Le vin peut en contenir jusqu’à 600 ! Ces éléments ont une forme, une couleur, un touché, un goût, un parfum. Contempler un vin, comme n’importe quelle chose, c’est faire entrer en nous ses composantes. Finalement, il devient « nous ». N’est-ce pas du reste l’étymologie de « co-naître » ?
A l’œil, son aspect (limpide ou trouble à des degrés divers), sa couleur (rouge jaune ou rosé) son intensité (ici en l’occurrence un jaune aux reflets verts très marqués), mais aussi sa consistance (son gras, les larmes qu’il laisse sur le bord du verre qui mettent plus ou moins de temps à redescendre) en l’occurrence légère pour notre picpoul, toutes ces informations entrent en nous. Mais si nous ne les unissons pas au goût et au parfum, elles ne font pas le vin, elles ne me disent pas tout de ce vin.
Contempler un vin c’est donc faire entrer par le moyen de nos sens toutes les informations qui le concernent et (cela est capital) les unifier en une seule démarche de dégustation, sinon ce ne sont que des éléments naturels épars. Contempler suppose une opération unique de notre cerveau : réunir toutes ces informations. Plus nous en avons perçu plus nous aurons une intimité de connaissance avec le vin. Au final, mieux nous le dégusterons, plus nous en profiterons pleinement, sans laisser une part de lui-même à la porte de nous-même.
Pour autant, et c’est là la source de notre voyage, tous ces éléments captés individuellement par nos sens vont chacun réveiller en nous des souvenirs, des émotions auxquelles ils sont rattachés dans notre mémoire, la plus enfouie, comme la plus proche. Ce ne sont parfois que des traits fulgurants qui passent si vite qu’on a peine à les reconnaitre, au point qu’on reprend une gorgée pour faire repasser l’étoile filante. C’est ainsi que chacun a un rapport particulier et unique avec le vin, avec ce vin.
Inversement, si vous n’avez jamais senti d’acacias, cet aspect de notre Picpoul vous sera étranger et vous passerez à côté. Mais passer à côté de l’acacia vous permettra peut-être de davantage vous arrêter sur le pamplemousse, ce qui donnera, pour vous, un tout autre visage à ce vin.
Aussi, les conseils d’accords mets et vins sont-ils génériques, mais il faut à chacun se les approprier (en dehors des grands impairs à éviter). Mais sur ce Picpoul de Limet, un trait ne peut échapper à personne, c’est l’étonnante dominante de citron vert en bouche. ON y trouve au nez du pamplemousse et de l’acacia ce qui lui donne ce côté légèrement mielleux qui précisément atténu un citron vert qui pourrait déséquilibrer le vin. Ce d’autant plus qu’il a très belle persistance en bouche.
Vif à l’attaque, on sent également le terroir minéral omniprésent ce qui le rend presque à mâcher dans un équilibre très agréable. Ici ressortent les millénaires qui ont composé ce sol fait de gros galets amalgamés par le sable en blocs nourriciers du sol.
Sa nervosité minérale et citronné invitent à le boire frais, pour autant légèrement plus chaud, une rondeur agréable passe en bouche, sans doute ce mélange de pêche de vigne et d’acacia tourné vers le miel.
Alors que manger avec un vin si original tiré d’un cépage qu’on ne trouve quasiment qu’autour de l’étang de Thau ? Je penchais pour un taboulé bien frais, un poulet au citron sans crème ou des rillettes de poisson blanc, un fromage frais à la ciboulette.
Mais notre chef Benjamin m’a mis sur une piste bien plus appropriée à notre voyage archéologique tant l’aspect de cette préparation japonaise n’est pas sans rappeler les hippocampes si nombreux dans l’étang voisin. Un ikizukuri ! Ce poisson en carpaccio dont la tête bouge encore dans l’assiette !
Alors bon voyage dans votre propre imaginaire, le vin à la bouche !
Pour cette dégustation nous avons goûté pour vous et je vous conseil la Croix Gratiot 2020.