
Pour sa seconde soirée, Variations Classiques accueillait la classe d’excellence de violoncelle menée par Gautier Capuçon pour un programme de plus de deux heures, conclu par deux bis. Le public en redemandait tout autant que les musiciens qui n’avaient visiblement aucune envie de quitter les planches de Bonlieu. Un programme fleuve s’écoulant entre rives calmes et rapides fougueux, mais toujours empreint de bonne humeur et de simplicité. Gautier Capuçon sait tenir son public en haleine et ses musiciens avec l’exigence attentionnée de l’aînée fier et heureux de transmettre.
Six jeunes violoncellistes se sont produits de concert, donnant chacun leur tour la partie soliste, à charge pour eux de faire vibrer les cordes de leur propre personnalité lorsqu’ils prenaient la main, tout en cherchant l’unité quand ils servaient d’écrin au solo de leur camarade. Un équilibre qui ne peut se faire qu’à un haut degré de talent, mais surtout de connivence et d’amitié, au moins musicale. Le risque d’une escalade de prouesses pour se sortir du lot de ses pareils et entraîner le public dans une surenchère de virtuosité dont donnait l’impression le Carmen inaugural n’était en réalité qu’un tour de chauffe pour trouver les marques et de la salle et du public. Passée cette cavalcade, au contraire, les sept musiciens ont fait leur cette évidence qui veut que le talent ne réside pas dans la virtuosité des audaces vives, mais davantage dans la profondeur habitée des mouvements lents. Et là nous fûmes servis par un florilège d’exception. Que ce soit en duo ou en septuor, la classe d’excellence a visiblement appris à prendre le temps. Le temps des mouvements réellement lents et pas seulement au tempo ralenti. Le temps, presque audacieux, de tenir d’un long trait d’archet des fins de phrases expirant sans hâte, perdues dans le silence fait note. Ce fut probablement ce que le concert nous servit de plus haut et de plus rare.
Bien entendu nous pourrions citer dans le détail tant de points d’excellence que chaque jeune donnait, d’ailleurs à sa façon et de divers degrés, mais à quoi bon détailler quand il suffit de relever, par exemple, la douceur du touché des cordes de Caroline Sypniwski au chant si émouvant, ou, plus étonnant, les pizzicati de Charles Hervet au rendu si proche du feutre piano d’une timbale. Il est toutefois dommage, à un tel niveau, d’entendre autant de retours d’archet coincer. Notons enfin le jeu subtil qui sut faire fi des limites acoustiques de la salle.
Quel que soit le niveau des jeunes interprètes à la foi prometteurs et déjà bien accomplis, c’est un gouffre digne des gorges du Fier voisin qui les séparent de Gautier Capuçon qui fait vibrer son violoncelle d’une telle finesse cristalline sans la moindre aspérité. Au pied des montagnes, nous étions pourtant au sommet du Mont Blanc voisin et plus encore à chacune de ses interventions. En parlant d’intervention, c’est d’une voix et d’une aisance d’animateur radio, plein d’humour et de délicatesse, que le futur animateur de Radio Classique a présenté chaque morceau.
A mon tour je voudrais faire un focus sur The Forest de Bryce Dessner, composée dans l’émotion de l’incendie de Notre Dame de Paris. Ambiance « elgardienne » pour le décor et un très net rappel de Perotin pour l’incarnation d’une pièce de toute beauté où force et finesse se tissent pour évoquer la fragilité même du monde.
Festival Variations Classiques d’Annecy – 29 août 2019 – Bonlieu
Classe d’excellence de Violoncelle Promotion VI — Gautier Capuçon