Adjuration (Anatole Le Braz)
À Frances D.
Vos yeux ont l’éclat de l’aurore
Où le soleil va s’allumer,
Et vous vous demandez encore
S’il faut aimer !
S’il faut aimer, ô jeune amie !
Vous vous apercevrez, un jour,
Qu’il n’est qu’une excuse à la vie,
Et c’est l’amour.
Il suffit qu’il soit, tout existe :
Il est le vrai, le bien, le beau.
Mais, sans lui, l’âme, vide et triste,
N’est qu’un tombeau.
Ceux que n’a point touchés sa flamme
Aux grands pleurs lustraux sont fermés.
Par pitié pour vous-même, ô femme,
Aimez, aimez.
Aimez, pour apprendre à connaître
Le mal fier, le tourment béni ;
Aimez, pour égaler votre être
À l’infini.
Aimez, aimez. Il n’est au monde
Qu’une peine douce à souffrir,
Et c’est d’aimer d’ardeur profonde
Jusqu’à mourir.
Qu’importe qu’on passe et qu’on meure
Si, pour le cœur qui l’a goûté,
L’amour faut tenir en une heure
L’éternité !
Aimez, enfant : le reste est leurre.
Anatole Le Braz, Poèmes votifs, 1926