Tribune – La liberté ne serait-elle plus une priorité ?
A revendiquer une liberté qui n’en était pas une, voici l’Occident contraint à abandonner volontairement sa vraie liberté.
Depuis des décennies, l’Occident revendique comme liberté ce qui en réalité n’est que le refus de la contrainte. On prend pour liberté l’absence de contrariété entravant nos désirs et on se dit libre quand tout est à notre portée au point de vouloir transformer la nature si elle se fait trop récalcitrante, ou lorsqu’elle ose se dresser entre nos envies et nous.
Par là nous avons abdiqué aussi le sens de la responsabilité et un certain sens de l’effort.
Des décennies durant, nous avons brisé consciencieusement toutes les digues qui canalisaient nos désirs au prétexte qu’elles étaient des entraves. Et nous assistons aujourd’hui à l’effondrement de la raison qui abdique volontairement sa véritable liberté parce qu’anesthésiée par l’opium de la jouissance immédiate. L’immédiateté est devenue symbole de liberté absolue.
Mais nous n’avons-nous pas perdu de vue que la liberté n’est pas une fin en soi mais un moyen qui se construit dans le temps et qui dans le temps nous construit.
Nous avons oublié que la jouissance n’est pas le fond de la question, ni un problème. Quand il faut satisfaire ses désirs à tout prix, quand le désir devient tyrannique, avoir la capacité de lui obéir sur le champ est-ce vraiment cela être libre ?
La liberté n’est-ce pas rester maître de son bonheur réel et non imposé par nos désirs en cascades ? Ne constatons-nous pas de façon cuisante que les philosophes anciens avaient raison ? La liberté au fond n’est-ce pas la capacité de choisir le bien ?
Voilà ce à quoi nous avons peu à peu renoncé décennies après décennies, me semble-t-il. Nous avons enchaîné notre capacité à choisir le bien avec les cordes tyranniques du désir immédiat et irréfléchi.
Irréfléchi cela signifie que pour jouir tout de suite nous n’anticipons pas les conséquences futures. Nos actions sont réflexes comme celles des animaux. Bref nous ne hiérarchisons plus les biens. Nous les prenons comme ils viennent et appelons liberté ce qui ressemble plutôt à une toupie déboussolée.
Aveuglés par l’idée de ne plus jouir de tout, tout de suite (dont l’ultime peur est la mort) nous acceptons de renoncer à notre liberté. Bien entendu, ces lignes rapides mériteraient de nombreuses nuances, mais leur idée est d’alerter sur le fond en lui-même plus que sur les multiples façons que nous avons chacun de le vivre.
Tant que nos désirs restent maîtres et obtiennent de l’esclave que nous sommes satisfaction, nous sommes prêts à abdiquer notre liberté véritable.
Le vrai problème de ce virus est là ! La peur guide nos choix dans l’aveuglement.
Rien ne justifie une annihilation de la liberté. Or ces réductions sont le fait d’un gouvernement de plus en plus autoritaire qui bafoue les lois et manipule les faits. Le discours du président Macron annonçant le reconfinement était émaillé d’erreurs que beaucoup ont fustigé sur les réseaux, plus que dans l’hémicycle décidément bien silencieux. Le Senat et certains journaux, alertent sur les modalités autoritaires et non conformes à nos législations pour imposer couvre-feu et confinement. Inquiétude que l’on peut compléter par les surveillances par drone, l’interdiction de publier certaines informations, sur les réseaux ou encore les mots clefs censurés par Facebook, comme « Révolution »…
Sans tomber dans le complotisme (je crois plus à l’incompétence bête qu’à une volonté assumée), tous les potentats ont utilisé ces leviers pour restreindre les libertés. Même la Sacro-sainte Athènes privait les Grecs de liberté au nom même de la liberté.
A revendiquer la capacité immédiate et sans entrave de satisfaire tous les désirs comme liberté, nous nous sommes enchaînés à eux. Or le désir est fait pour l’homme et non l’inverse. L’homme peut raisonner ses désirs, mais le désir n’a pas de rationalité.
A revendiquer cette fausse liberté nous nous sommes laissés entraîner dans l’impasse généralisée actuelle. Et nous ne trouvons pas d’autre réponse que déposer volontairement notre liberté véritable au pied du néant. Cyprien de Carthage apostrophant le romain Démétrien avait vu juste : tu t’es mis à servir ceux qui étaient faits pour te servir.
Le drame du moment n’est ni le virus, ni la mort, ni le confinement. C’est la renonciation volontaire et en même temps inconsciente à notre liberté ! Or il n’y a pas plus grand curseur de l’humanité que la liberté. Même ruiné et affaibli ce qui distingue l’homme de la bête c’est sa liberté parce que la liberté est inséparable de la raison et de la vérité à laquelle nous renonçons aussi chaque jour davantage. Mais c’est là un autre débat.
Ceux qui transgressent les interdits confinementaux par simple refus de se voir entraver dans leurs désirs et crient à la liberté, ne sont donc pas forcément plus libres. Mais que certains égoïsmes travestissent la question ne la rend pas moins cruciale quant au fond… la liberté ne serait-elle plus une priorité ? Ne nous y trompons pas, de la réponse à cette question dépend le monde de demain.