Faut-il brûler Léon Bloy ? Où le pire est à venir…

Faut-il brûler Léon Bloy ? Où le pire est à venir…

    On a parfois accusé les chrétiens d’antisémitisme parce qu’ils cherchaient à convertir les Juifs. Cela depuis que la chrétienté a cessé d’exister au moment de la Révolution française et qu’une autre religion lui a été substituée : celle des Droits de l’homme, religion toute laïque, toute séculière, sans transcendance mais qui n’en a pas moins ses dogmes, son clergé et son prosélytisme. Depuis lors l’Occident a cessé de se définir par une religion. On refuse presque à l’homme occidental d’en avoir une. Et l’on n’a qu’une hâte : effacer dans les âmes, les mémoires et les institutions toute trace du christianisme. Et ce que l’Etat s’efforce de faire par tous les moyens, ce à quoi il s’emploie avec un zèle sans relâche, c’est de convertir à la laïcité.

    Léon Bloy est un chrétien qui pense que les Juifs comme les païens sont convertibles, que les uns et les autres sont comme les chrétiens et que son devoir de chrétien est de les convertir.

    (Si Juifs et païens n’étaient pas convertibles, il n’y aurait jamais eu de chrétiens et le christianisme n’aurait pas de sens.)

    Et en même temps, il voit dans le Juif le fils du peuple élu, le premier-né de la promesse. Jésus-Christ est né juif, il a pris chair d’une femme juive. Le juif est sinon le père, du moins le frère aîné du chrétien. Et c’est à ce titre que Bloy l’honore dans son livre Le Salut par les Juifs.

    Bloy aime le juif, comme il aime le pauvre, comme il aime le paria. Car il se sent lui-même pauvre, paria et isolé, et rejeté même du sein même de son propre peuple, de sa propre Eglise, et d’une chrétienté qu’il voit peu à peu disparaître. Paria, il l’est comme tout chrétien dont le royaume n’est pas de ce monde.
    Bloy est un prophète. C’est un écrivain, certes. C’est un homme de lettres et qui de l’homme de lettres a tous les travers. Mais c’est aussi un prophète, un homme habité par cet esprit de Dieu qui ne laisse jamais en repos celui qu’il possède. Et Bloy ne peut imaginer – ce qui est peut-être un peu égoïste – de meilleure fin pour lui et ceux qu’il aime que le martyre.
    Bloy voit dans le peuple juif un témoin. (Un témoin, c’est déjà presque un martyr.) Alors qu’il voit dans la plupart de ses frères de race des renégats qui ont abandonné la foi de leurs pères – nous parlons du juif croyant et non du juif renégat, qu’il place sur le même plan que le chrétien renégat.

    Des droits de l’homme, Bloy n’a que faire. Pour lui, la Révolution est exactement ce qu’elle est pour de Maistre : une fille du Démon. D’ailleurs, pour lui, tout ce qui n’est pas strictement catholique est à jeter à la poubelle. Tout sauf précisément le Juif, ce témoin irréductible. Le Juif qui attend le Messie avec la même hâte que Bloy attend la fin du monde et le Jugement des âmes.

    C’est pourquoi Bloy s’oppose à Drumont, qui est pourtant un chrétien de bonne et vieille souche et qui proclame haut et fort son antisémitisme. Car le Juif de Drumont n’est pas le même que celui de Bloy. Le Juif de Drumont est un apatride qui a renié sa foi tout en restant solidaire de sa race. Un juif déraciné, un juif laïcisé et sécularisé qui a vocation, aux dires de Simone Weil, juive elle-même, de déraciner le monde entier. Pour Drumont ce juif-là ne peut s’assimiler à la communauté française et catholique. Il ne peut dire : nos ancêtres se sont croisés avec saint Louis. Son Dieu n’est plus Jéhovah. Son Dieu est Mammon.

    Mais aujourd’hui l’homme né chrétien et français, comme disait La Bruyère, l’homme occidental de race blanche, est sans cesse mis en demeure de justifier ses paroles et ses actes. Malheur au chrétien qui aujourd’hui voudrait convertir un juif ! Il serait jugé plus antisémite que le nazi qui voulait l’exterminer.
    Il en est aujourd’hui des Juifs comme des homosexuels. Ils sont intouchables. En parler, les désigner par leur nom, c’est déjà attenter à leur identité.
    Avoir une Eglise, des ancêtres, une patrie, un peuple, une race, une histoire est mal. Vous ne devez appartenir qu’à l’Humanité en devenir. Sinon, rasez les murs et filez doux. Courbez la nuque et encapuchonnez-vous. Si votre tête dépasse, si votre foi montre le bout de son nez, ou de son oreille, on vous la tranchera.

    Alors, faut-il brûler Léon Bloy ? Oui, car c’est un chrétien et donc l’ennemi du genre humain, quoi qu’il ait pu dire ou écrire. Déjà à Rome, on persécutait les chrétiens pour les mêmes raisons. Décidément, rien n’a changé.

    Brûlez Bloy, vous lui ferez plaisir. Même par contumace. Car ainsi vous lui donnerez raison.
    Et vous pourrez l’entendre dire : « Chrétiens, attendez-vous au pire, qui pour vous sera le meilleur. Vous savez désormais ce qu’on attend de vous. Vous connaissez votre ennemi. Il s’est démasqué. Allez au combat ou au martyre. Telle est votre alternative.
    Et que l’esprit de Dieu soit sur vous ! »

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Gérard Joulié