Le suicide de la culture française
Dans Le Suicide Français, paru le 1er octobre 2014, Eric Zemmour se livrait à une triste analyse de la société française, ruinée par quarante ans de déconstruction volontaire et consciemment abandonnée par nos «élites» politiques. Critique au vitriol de ceux qui dirigent la France, Le Suicide Français est aussi une analyse ultra-poussée – et parfois exagérée, à mon humble avis – des actes qui ont défaits la France depuis plusieurs dizaines d’années.
«La France se meurt, la France est morte». C’est par ces mots qu’Eric Zemmour conclu son livre. A une époque où la liberté d’expression était étrangement moins populaire qu’aujourd’hui, le livre avait fait scandale. En effet, l’auteur s’en prenait directement aux élites politiques, responsables selon lui de la déchéance de la France.
Aujourd’hui, quelques mois après la parution du livre, la polémique est retombée. Profitons en pour tenter de pousser un peu plus loin l’analyse de Zemmour : quel écho cette dernière peut-elle avoir dans le domaine culturel ?
Le plus grave à mes yeux, dans les différents points que Zemmour évoque, c’est l’oubli volontaire de l’Histoire, de notre Histoire. L’auteur dresse très bien le constat de l’abandon de tout ce qui fit notre pays.
« Aujourd’hui, on apprend aux jeunes Français que l’Histoire de France commence en 1789 »
Il y a 200 ans, en 1815, avait lieu la bataille de Waterloo, bataille mythique qui changea à jamais le destin de l’Europe et de la France. En 2004, le 2 décembre précisément, nous aurions du fêter les 200 ans de la naissance de l’Empire Français. Un an plus tard, le 2 décembre aussi, c’était le bicentenaire de la Bataille d’Austerlitz. De même pour la bataille d’Iena en 2006, de Friedland et d’Eylau en 2007, de Wagram en 2009… Autant de superbes victoires – exceptée bien sur Waterloo – de la Grande Armée qui, menée par le «Petit Caporal», fit la gloire et la réputation de l’Armée Française dans le monde entier. Mais si vous menez votre enquête dans les rues de Paris, vous constaterez que pour la grande majorité des passants, ces noms ne sont rien d’autre que des stations de métro. De sorte que ces multiples bicentenaires eurent lieu dans l’indifférence générale. En revanche, nous avions envoyé un porte avion aux cérémonies de célébration de la bataille de Trafalgar, une célèbre victoire… britannique. C’est à peine si l’on évoque Napoléon Bonaparte dans les salles de classes. Et pourtant, la France lui doit tellement. Fin 1799, l’état de notre pays est catastrophique. L’anarchie administrative règne, les impôts n’arrivent pas aux caisses de l’état, le brigandage s’est développé, les routes sont dans un état déplorable, les régions frontalières dévastées à cause de la guerre, le commerce est au plus mal, l’industrie (notamment celle de la soie à Lyon) ruinée, le chômage fait une percée, le prix du pain est trop élevé pour les ouvriers, les hôpitaux ne marchent pas… Napoléon fit renaître la France de ses cendres, après les difficiles années de la Terreur et de la Première République. De son Empire, nous avons hérité le Code Civil, la modernisation du commerce et de l’industrie, le Code du Commerce, la Légion d’Honneur… Mais il est aujourd’hui oublié, à peine évoqué dans les programmes scolaires. Et que dire des quelques mille ans d’Histoire que fut la Monarchie Française. Aujourd’hui, on apprend aux jeunes Français que l’Histoire de France commence en 1789.
«Si tu ne sais plus où tu vas, regarde d’abord d’où tu viens». Aujourd’hui, qui peut dire où la France se dirige ? Et pour cause, personne ne sait plus d’où elle vient.
De cette formidable et riche histoire, la France hérite de paysages magnifiques, ponctués de demeures somptueuses, étincelantes preuves de ce qu’était la France dans un passé pas si lointain. Paris, notre capitale, n’attire pas pour rien des millions de visiteurs chaque année : l’Arc de Triomphe, les Champs-Élysées, le Musée du Louvre, les Invalides, le Grand Palais, le Palais Bourbon contribuent au rayonnement touristique et culturel français. Tous ces lieux empreins d’Histoire firent et font encore la France. C’est ce que nous avons de plus beau, de plus profondément ancré dans notre culture ; c’est notre patrimoine culturel. Alors pourquoi s’évertuer à enlaidir ces merveilles avec des «réalisations» pour le moins originales que certains ont le culot d’appeler «œuvres d’art» ? Soyons honnête : je n’aime pas «l’art» moderne. Je le trouve prétentieux, sans grand intérêt, souvent vulgaire. Je n’aime pas la façon désinvolte avec laquelle ces «artistes» réalisent leurs «œuvres» , comme si l’Art était une activité comme les autres, anodine. L’Art n’est pas anodin, loin de là. «L’Art dans son ensemble, disait Vassily Kandinsky, n’est pas une vaine création d »objets qui se perdent dans le vide, mais une puissance qui a un but et doit servir à l’évolution et à l’affinement de l’âme humaine».
Quelle ne fut ma consternation, par exemple, lorsqu’un matin d’octobre 2014, j’appris qu’un certain Paul McCarthy – soutenu du reste par la Mairie de Paris – avait érigé un immense «sapin», aux allures, disons-le, de plug anal géant, au beau milieu de la Place Vendôme. La place Vendôme ! Une des plus belles places de Paris, datant de 1686, épicentre de l’élégance parisienne au XX ème siècle, au milieu de laquelle trône la Colonne Vendôme – construite à l’initiative de Napoléon (décidément mal-aimé) pour célébrer la victoire d’Austerlitz. De même avec les expositions de Jeff Koons, Xavier Veilhan puis Takashi Murakami… au Château de Versailles ! Peut-on sérieusement mettre sur un pied d’égalité la Galerie des Glaces et… une sorte de boule de fleurs ? (voir photo)
« Peu à peu, les Français oublient leur Histoire, leur Culture, et même leur langue, pour se réfugier dans la facilité de l’ignorance et se jeter dans les bras réconfortants d’une élite salvatrice »
Eric Zemmour a analysé la dérive socio-politique de la France depuis la mort du Général de Gaulle, il y a une quarantaine d’années. Force est de constater que le domaine culturel est loin d’aller mieux. L’élite politique française ne fait absolument rien pour tenter de sauvegarder la culture et l’art de vivre à la française – si elle n’encourage pas ouvertement sa chute. De sorte que peu à peu, les Français oublient leur Histoire, leur Culture, et même leur langue, pour se réfugier dans la facilité de l’ignorance et se jeter dans les bras réconfortants d’une élite salvatrice.
Après tout, ne dit-on que pas qu’un peuple ignorant est toujours plus facile à contrôler ?