Hercule Poirot, Miss Marpple, qui ne connait ces détectives tous droits sortis de l’esprit fertile de la romancière anglaise, Agatha Christie. Portés à l’écran, ces limiers, forts différents, mais pour autant, so’British, bien que belge pour le petit homme à la moustache, ont porté la réputation de l’écrivain, autant que les dix petits nègres, à l’histoire chahutée récemment.
En revanche, on connait moins, voire quasiment pas, un couple étonnant, héros de quatre romans et d’une quinzaine de nouvelles, les Beresford. Ancien agent secret pour lui, complice imposée et indissociable pour elle, la retraite les ennuie. Entre envie de servir et irrépressible tentation de suivre une intuition, ils avancent leurs pions, en solo ou missionnés, selon les romans.
Ils sont terriblement amoureux, au point d’être la gentille moquerie de leurs deux enfants désormais adultes. Un couple britannique modèle que l’on retrouve jalonnant l’Histoire après la Grande Guerre où ils ont servi comme espion. Leur homme de main devenu leur domestique arrive toujours discrètement à point pour les besognes plus rudes ou les filatures patientes.
1922, 1929, 1941, 1968, 1973, les aventures du couple Beresford suivent, en temps réel, le présent même de l’auteur qui ne reconstitue pas le passé. Au contraire, elle nous peint le présent qui défile sous ses yeux. Et pour être honnête, c’est le plus grand intérêt de ces romans : une page d’Histoire au présent. En filigrane, sous la plume de la romancière, c’est l’Angleterre dans son quotidien le plus dénudé d’artifice qui défile sous nos yeux. Qu’il s’agisse de la simple vie d’un village ou d’une pension de retraite, dans Mon petit doigt m’a dit, (1968) ou d’une véritable page, loin d’être anecdotique, de la tentative d’invasion de l’Angleterre par Hitler, dans N ou M ? (1941), on trouvera un vif intérêt de sociologie historique à s’immerger, page après page, dans les aventures du couple.
Plus que dans les autres romans, Agatha Christie laisse libre court à ce côté féminin, si attentif aux menus détails de la vie ordinaire, des relations humaines qu’elles se vivent en temps de paix ou en temps de guerre.
En revanche, l’intérêt policier est plus léger. Si l’on prend plaisir à suivre l’intrigue, on retrouve les mêmes travers que dans les autres romans. Chapitre après chapitre, les suspects sont passés en revue, non sans longueurs et gros sabots. Puis, la fin se précipite. Deus ex machina, le coupable se découvre en quelques pages et comme à chaque fois, c’est le seul qui n’avait pas été suspecté, au point qu’on finit par savoir à l’avance, romans après romans, où ne pas attendre le criminel.
Romain de La Tour