Les passionnés prendront sans doute la mouche après un titre si provocateur. Et pourtant… S’il est agréable de parcourir les romans policiers de l’écrivain anglais, comme un voyage historique au temps présent (voir notre article), il faut bien reconnaître que les dialogues sont assez attendus et souvent remplacent maladroitement une description narrative qui eut donné une impression moins artificielle au discours. Quant à l’intrigue, vous pouvez être certain que celui qui est présenté comme le moins coupable possible est précisément le coupable. Ça ne manque jamais ! Quant à la résolution de l’énigme, elle se fait en quelques pages après avoir passé des pages et des pages, des chapitres dans l’unique but de détourner l’attention du lecteur du vrai coupable. Assurément bien d’entre vous doivent déjà me maudire. Il y a plus de force dans Rendez-vous avec la mort, par exemple.
Mais, pour rester dans les lieux habituels de la romancière, L’heure zéro est d’un tout autre genre. Comme elle le fait expliquer en ouverture et en conclusion par deux protagonistes, ce roman n’entend pas commencer par le meurtre, mais il remonte loin dans le temps pour raconter l’histoire des protagonistes, pourquoi ils se retrouvent tous au même endroit au moment du meurtre et comment se meurtre s’est finalement mis en place dans le temps.
L’idée est intéressante et donne une note beaucoup plus réaliste au roman, d’autant que la vraie surprise n’est pas de découvrir l’assassin, mais de lire qui est assassiné. Mais, une fois le meurtre commis, la dernière partie reprend le fil habituel et le coupable est bien le plus innocent, l’intrigue est solutionnée en trois pages de façon bien moins réaliste que ne le fut la mise en scène qui conduisit au meurtre.
Je n’entre pas dans le détail pour ne pas gâcher l’intérêt et le suspens, mais parmi tous les Agatha Christie, après Rendez-vous avec la mort, c’est sans doute le plus réussi et le plus original de ses romans.
Romain de La Tour