Ce livre a reçu le Prix la Reinty, de l’Académie des sciences belles lettres et arts de Rouen. Ouvrage publié sous la direction d’Étienne Mantel, Jonas Parietas et Laurence Marlin
Catalogue de l’exposition présentée au Musée des Antiquités de Rouen, ce beau livre vise à faire connaître, bien au-delà de l’exposition, ce qui en fait tout son mérite, une ville romaine longtemps oubliée, au cœur de la forêt d’Eu, au lieu-dit le Bois-l’Abbé. Si des trouvailles, puis des fouilles avaient montré depuis le XVIIIe siècle la présence d’un site antique, ce sont les fouilles du XXIe siècle qui ont révélé qu’une ville s’étendait là et, en 2006, une inscription en a fait connaître le nom : Briga.
Quatre chapitres traitent de l’histoire des découvertes, des origines de Briga, de sa monumentalisation aux Ier-IIIe s. puis de son déclin à l’Antiquité tardive, enfin de sa « renaissance » au XXIe siècle grâce à l’archéologie adossée aux nouvelles technologies, au service de la problématique qui ouvre de belles perspectives de recherche.
En tête de l’ouvrage cartes et plans de grande qualité, ainsi qu’une frise chronologique, permettent de situer d’emblée dans l’espace et le temps la ville de Briga.
L’état actuel des connaissances est exposé de manière claire et accessible à tous, complété par des fiches thématiques (les panneaux de l’exposition). Les objets sont présentés par chapitre ; ce sont souvent des fragments qui permettent de reconstituer des monuments. Plans, photos des vestiges au sol, photos aériennes, reconstitutions en 3 D révèlent ce que fut la ville de Briga à son apogée au milieu du IIIe siècle.
L’étude de l’occupation permanente du site sur le plateau de Beaumont dominant la basse vallée de la Bresle, sur le territoire des Bellovaques, peuple celtique connu par César, éclaire le processus de peuplement de cette partie septentrionale de la Seine-Maritime. Après la conquête romaine, une enceinte fortifiée est mise en place autour d’un site civil comportant un lieu de culte et un habitat assez fruste qui se structure peu à peu ; activités artisanales et commerciales sont attestées ainsi que l’assimilation d’un mode de vie italique et de pratiques alimentaires méditerranéennes : on consomme désormais à Briga de l’huile d’olive, du vin, et du garum.
Fin Ier-début IIe s., puis au début du IIIe s., une élite urbaine romanisée a les moyens de développer une vraie ville romaine : réaménagement de l’enceinte fortifiée, aménagement d’une vaste place publique, monumentalisation des édifices publics dont la restructuration du temple central où Mercure, après Lugus, est vénéré, création d’une longue basilique civile, lieu d’activités économiques. Développement de l’habitat en plusieurs quartiers, dont les archéologues ont entrepris prospection et fouille en vue de connaître, autant que possible, l’organisation urbaine et la vie quotidienne.
En l’absence de textes, les auteurs ont su tirer le meilleur parti des découvertes archéologiques pour montrer comment l’évolution des monuments exprime l’évolution de la ville, sans pouvoir en dire plus, s’interrogeant avec prudence sur les causes d’un déclin évident dans les années 275-290 dans le cadre d’une désertion généralisée de la région.
« Dévoiler cette ville de Gaule Belgique » … « mettre en lumière l’antique Briga » telle est la mission que des équipes successives poursuivent avec passion, compétence et succès. Ce livre en est l’expression. Il mérite bien le prix que l’Académie lui décerne aujourd’hui et fera la joie des lecteurs qui découvriront un pan du passé de notre région.
Françoise Thelamon
BRIGA aux confins septentrionaux de l’Empire une ville romaine se révèle,
Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie, Silvana Editoriale, Milan, 2020, 224 p.
Vous pouvez trouver ce livre en suivant ce lien