La bibliothèque de la Pléiade : une collection de l’admiration

La bibliothèque de la Pléiade : une collection de l’admiration

Collection unique, à la renommée internationale, celle que l’on surnomme la « Rolls Royce de l’édition » a beaucoup fait parler d’elle ces derniers jours. En effet, l’annonce de la publication future des œuvres de Jean d’Ormesson dans la prestigieuse collection a suscité l’émoi dans le petit monde de l’édition. Voir ses œuvres publiées dans la fameuse collection est un graal, un accomplissement pour tout écrivain. Qui plus est, Jean d’Ormesson rejoindra la caste des rares privilégiés à avoir reçu cette consécration de leur vivant. Gide, Malraux, Claudel, Montherlant ou encore Kundera ont été, avant lui, témoins de cette distinction.

Comment cette collection a-t-elle pu devenir le symbole de l’accomplissement littéraire ? Plongée dans l’univers du Garamond et des merveilles.

Créée en 1923 par Jacques Schiffrin, un éditeur russe réfugié à Paris, la Pléiade a pour but de répondre à un besoin : fournir dans une seule édition de format poche les œuvres d’un grand auteur de la littérature. Rachetée en 1933 par Gaston Gallimard, la bibliothèque de la Pléiade devient le fleuron des éditions de la N.R.F (futures éditions Gallimard) qui sera l’objet d’une attention particulière des différents successeurs de la dynastie Gallimard. Son histoire est marquée par un grand dynamisme éditorial, le développement d’un appareil critique conséquent, et un succès grandissant.

UNE EXCELLENCE DE FORME ET DE FONDS

Si les volumes de la Pléiade sont à ce point recherchés, c’est autant par la qualité du fond que de la forme.

En effet, les ouvrages de la Pléiade sont une référence pour tout chercheur et fin lettré. Le travail éditorial est le fruit d’une attention particulière et exceptionnelle dans le monde de l’édition : sa confection réunit une équipe d’une dizaine de personnes et peut durer entre un et six ans. Les plus grands spécialistes et meilleurs traducteurs de l’auteur sont sollicités pour leur élaboration. Pour faire partie de l’ « élite » et se faire publier, il n’existe pas de critères spécifiques. Il s’agit d’auteurs dont l’œuvre est considérée comme pérenne et qui continuera d’apporter quelque chose aux générations futures de lecteurs. Comme le dit Hugues Pradier, actuel directeur de la collection : « Nous faisons en quelque sorte des paris sur ce que sera, demain, le musée imaginaire de la littérature ».

Les Pléiades sont bien des livres en or, tant sur l’excellence du fond, que sur la forme. Biens de luxe, ornés d’une dorure à l’or fin 23 carats, les volumes sont imprimés sur du papier bible couleur chamois et reliés sous une couverture de cuir en pleine peau, dont la couleur est déterminée par le siècle où a vécu l’auteur. Les peaux de moutons proviennent de Nouvelle-Zélande. Ce sont de véritables petits bijoux qui font l’objet de collections. Ils possèdent une esthétique soignée et immuable depuis leur création : leur charte de fabrication est très détaillée : le format est de 11 X 17.5 cm, et la typographie adoptée est le Garamond de corps 9.

Description de cette image, également commentée ci-aprèsJean d’Ormesson

LA PLEIADE : DES CHIFFRES ET DES LETTRES

Cette excellence lui a valu une réputation et un succès grandissant. Depuis sa création, la bibliothèque de la Pléiade totalise plus de 20 millions d’exemplaires vendus à travers le monde. Sa meilleure vente est Œuvres d’Antoine de St Exupéry. Collection phare de Gallimard, elle représente près de 20% du CA total de la maison d’éditions.

Les ouvrages de la pléiade sont très divers, en termes de genre littéraire, de période, de langues : Les auteurs possédant le plus de volumes dans la collection sont Voltaire (16 ouvrages), Balzac (15 ouvrages), puis Saint-Simon et Dickens (9 ouvrages). Concernant les langues étrangères, l’anglais prédomine, puis le russe, l’allemand et le latin. La période la plus représentée est le XXe siècle (61 auteurs en 2003). Et, si plus de la moitié des ouvrages de la collection concernent des romans et récits, environ un tiers des Pléiades contient des essais, 10% du théâtre et 6% des textes de spiritualité. Il y a également une trentaine d’anthologies publiées, dont certaines sont bilingues. C’est donc une collection dynamique et éclectique.

LA PLEAIDE : UNE EXCEPTION CULTURELLE FRANCAISE

Plus qu’un livre, un volume de la Pléiade est donc le reflet d’un savoir-faire et la transmission d’un patrimoine littéraire. Plus qu’une collection, c’est une véritable marque qui s’est développée, avec la création du Prix de la Pléiade (1943), de l’Album Pléiade, des Galeries de la Pléiade (1931), du Cercle de la Pléiade, de la Lettre de la Pléiade, mais aussi d’une librairie,  des encyclopédies, des anthologies de la Pléiade et des Concerts de la Pléiade (1943-1945).

Objets de marque reconnus, les volumes sont exportés à travers le monde entier, en particulier en Europe –surtout en Espagne et en Italie – aux USA et au Japon. C’est également un objet de collection ; les éditions rares, ainsi que les agendas et albums sont très recherchés. Les albums de la Pléiade datant des années 1960 se vendent aux enchères plus de 300 euros.

Entrer dans cette prestigieuse collection est donc une véritable consécration et reconnaissance littéraire. Jean d’Ormesson peut s’estimer chanceux : certains auteurs, comme Céline, ont tout fait pour y être publié. Jean-Paul Sartres refusa le prix Nobel et Julie Gracq un siège à l’académie française, mais tous deux acceptèrent une place dans cette « bibliothèque de l’admiration ».

Mais laissons à l’auteur nouvellement promu le mot de la fin :

« Je n’écris pas pour passer le temps ni pour donner des leçons. Je n’écris pas pour faire le malin ni pour ouvrir, comme ils disent, des voies nouvelles à la littérature. Pouah ! Je n’écris pas pour faire joli ni pour défendre quoi que ce soit. J’écris pour y voir un peu plus clair et pour ne pas mourir de honte sous les sables de l’oubli », Qu’ai-je donc fait – Éditions Robert Laffont, 2008.

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Anne-Laure Debaecker

Anne-Laure Debaecker

Diplômée en management des organisations culturelles à l'Université de Paris-Dauphine, Anne-Laure Debaecker est journaliste. Elle collabore en particulier au Figaro et à Cyrano.