Loin des clichés anachroniques, un dossier sur les croisades (1/7): La libération de Jérusalem

Loin des clichés anachroniques, un dossier sur les croisades (1/7): La libération de Jérusalem

POURQUOI LA CROISADE ?

Surgi brusquement des sables de l’Arabie en 622, l’Islam devint presque immédiatement une religion conquérante et, 6 ans après la mort du prophète, en 638, Jérusalem fut  prise aux Byzantins par Omar, compagnon de Mahomet. A la fin du VIIe siècle, les musulmans, , construisent le Dôme du Rocher, majestueuse mosquée, symbole de l’islamisation d’une ville déjà teintée d’une forte symbolique biblique.

Si la ville est désormais sous domination musulmane, les chrétiens, considérés comme Dhimmi (« pactisés »), ont un statut inférieur à celui des musulmans, et sont, moyennant le paiement d’un impôt spécial (la djizya), protégés par le gouverneur. Les lieux de cultes construits lors de la période byzantine (dont la Basilique du Saint-Sépulcre) sont préservés. Néanmoins, les chrétiens n’ont pas le droit de construire de nouvelles églises, même si les chrétiens étrangers peuvent venir en pèlerinage.

Bien entendu, l’Empire Byzantin ne renonce pas pour autant aux terres qui lui ont été arrachées et entreprend de les libérer du joug musulman. Ainsi, en 969, l’empereur Jean Ier Tzimiskès reprend-t-il aux musulmans la ville d’Antioche, puis en 975 celle de Damas. Mais la mort de l’empereur avant la conquête de Jérusalem, empêcha Constantinople d’être l’héroïne de la sainte aventure des croisades.

Par la suite, les relations entre musulmans et chrétiens se dégradèrent. En 1009, le calife fatimide fit raser la Basilique du Saint Sépulcre. Les turcs Seljoukides prirent ensuite le contrôle de la majeur partie du monde musulman et de Jérusalem en 1078, dont ils massacrèrent sans distinction la population, majoritairement musulmane. Les seljoukides interdirent également aux pèlerins occidentaux de se rendre en pèlerinage sur le tombeau du Christ.

LA PRÉDICATION

Cette interdiction poussa le pape à réagir et, en 1095, Urbain II appela les chrétiens d’occident à libérer Jérusalem.

On fait souvent l’amalgame entre les croisades chrétiennes et le Djihad musulman. Or, ces deux notions sont nettement différentes. Le Djihad, prescrit dans le Coran, revêt deux grandes formes que Mahomet a toutes deux appliquées : une spirituelle (lutte intérieure contre ses propres péchés et prosélytisme religieux) et une matérielle, guerrière. L’islam sépare en effet le monde entre deux domaines : le « domaine de la soumission [à Dieu] » (Dar Al-Islam) et le « domaine de la guerre » (Dar Al-Harb). Dans ce dernier, l’islam doit être imposé par le Djihad. Le terme de « Croisade », apparut au XIIe siècle, désigne au sens strict les huit expéditions chrétiennes qui ont visé à conquérir ou à protéger la conquête des lieux saints de Palestine afin d’y laisser venir en pèlerinage les chrétiens. Le but n’est pas d’y « casser du musulman » étant donné qu’au XIe siècle, les chrétiens n’ont qu’une connaissance limitée de l’Islam, qu’il ne différencient pas vraiment du paganisme. Ce n’est que par la suite que les prédicateurs des croisades auront l’obligation de lire le Coran. Dans un cas donc, la guerre est une prescription religieuse, dans l’autre elle est un moyen circonstancier d’assurer la possibilité du pèlerinage, que Jésus n’a jamais prescrit comme principe général. Il s’agit d’une guerre juste, au sens où l’entendait Saint Augustin puisqu’on y sauve des populations en danger (les chrétiens d’orient persécutés) et les croisades n’ont d’ailleurs absolument pas pour but de « convertir de force » les musulmans.

 On distingue deux « premières croisades » : la croisade populaire et la croisade dite « des barons ». La première répond aux prédications de Pierre l’ermite (image d’Épinal que chacun connait) auprès des petites gens et rassemble une véritable armée qui, après avoir traversé l’Europe, partit de Constantinople vers l’Orient où l’absence de véritable discipline militaire entraîna le massacre de ses membres. Les motivations de ce « pèlerinage armé » sont très essentiellement religieuses (« Dieu le veut » répète-t-on à qui veut l’entendre).

LA CROISADE DES BARONS

Mieux organisés, de grands seigneurs partirent avec leurs Ost. Les principaux chefs de la croisade sont : le comte Raymond de Toulouse, Robert « Courteheuse », duc de Normandie, Bohémond (prince normand de Tarente) et son neveu Tancrède. L’homme fort de cette croisade sera Godefroi de Bouillon, duc de basse-Lotharingie (ou Basse-Lorraine), sujet du Saint-Empire Romain Germanique dont on ne sait pas exactement s’il est né en France actuelle ou en Belgique. Si là encore, les motivations sont essentiellement religieuses (le comte de Toulouse abandonne un quasi-royaume pour se lancer dans le pèlerinage armé), nous auront l’occasion de voir que l’espoir de conquêtes matérielles n’est pas totalement étranger à l’engagement de certains.

(Légende : De gauche à Droite : Godefroi de Bouillon, Bohémond de Tarente, Raymond de Toulouse, Tancrède).

A leur arrivée à Constantinople en 1097, l’empereur Alexis Comnène leur demanda à tous de lui jurer serment de fidélité, soucieux d’attribuer d’avance à son empire les futures conquêtes franques en Orient. Si certains n’y virent aucun inconvénient, d’autres comme Godefroy, n’acceptèrent que du bout des lèvres de prêter serment à un schismatique pour une guerre sainte.

Les croisés, après avoir pris aux cotés et pour le compte des byzantins la ville de Nicée, où s’était tenu jadis le premier concile oecuménique, se dirigèrent vers leur véritable objectif : la Terre sainte. Déjà, un certain respect pour l’ennemi se fait sentir dans les chroniques franques, qui, louant les qualités militaires des turcs, affirment que « nul, à part les francs et les turcs, ne peuvent se prétendre chevaliers ». Devant Antioche, ville où avait été prononcé pour la première fois le mot « chrétien », le prince Bohémond de Tarente se fit sentir comme l’homme fort de l’armée et, après avoir fait jurer à ses compagnons que la ville serait sienne, la prit à la tête des forces chrétiennes, profitant d’un conflit entre l’émir d’Antioche et son suzerain.

La ville d’Édesse et sa région, miraculeusement restées aux mains des arméniens, se donne au frère de Godefroy, Baudoin de Boulogne, qui en devient le comte. Profitant, nous l’avons vu, des divisions au sein du monde musulman, les croisés progressèrent rapidement en Palestine. Pendant que Raymond de Toulouse, déçu de n’avoir encore reçu aucune seigneurie orientale, s’attelait à la conquête du Liban et de la région de Tripoli, Godefroy de Bouillon fut accueilli dans la liesse par la population chrétienne de Bethléem, où était né 1000 ans plus tôt le sauveur du monde.

En 1099, devant les murs de Jérusalem, les croisés «ne purent retenir leurs larmes et, se jetant à genoux, rendirent grâce à Dieu de leur avoir permis d’atteindre le but de leur pèlerinage ». Soucieux de ne pas perdre leurs possessions respectives en orient, le comte d’Édesse et le prince d’Antioche ne daignèrent pas participer au siège de la ville… La légende raconte que, prenant Dieu à témoin, Godefroy cria que s’il parvenait à abattre un des trois oiseaux qu’il voyait dans le ciel, Dieu lui permettrait de prendre la ville de Jérusalem. Ayant abattu les trois oiseaux d’une seule flèche, le duc ordonna aux soldats de se lancer à l’assaut de la ville, qui fut prise le 15 juillet 1099.

D’après la tradition, cette légende aurait donné naissance au blason de la Lorraine :

On a beaucoup dit (et énormément exagéré) sur le massacre de la population de Jérusalem. Ce qu’on a moins souligné, c’est que le comportement des chrétiens ne fut pas unanime : ainsi Raymond de Toulouse libéra sous bonne escorte les musulmans de son secteur et Tancrède épargna les siens dans l’espoir d’une rançon.

Il fallut ensuite choisir un souverain pour toutes les conquêtes franques d’Orient et pour Jérusalem en particulier. Le choix se porta très rapidement, au grand dam du comte de Toulouse,  sur le très charitable et très pieux (le seul reproche que lui faisaient ses compagnons était de trop prier) Godefroy de Bouillon qui, par humilité, refusa de devenir roi de Jérusalem, mais préféra le titre d’Avoué du Saint Sépulcre.

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Gabriel de Feydeau

Etudiant en droit à l'université Panthéon-Assas