Le Quercy, rebelle et fidèle

Le Quercy, rebelle et fidèle

Le Quercy ! Voilà un nom de province qui respire l’Histoire et le dépaysement. Avec une étonnante continuité historique, la province de Quercy d’Ancien Régime conserve son unité territoriale jusqu’en 1808, date à la laquelle l’empereur divise le haut et le bas Quercy en deux départements. Au Lot déjà existant depuis 1790, il retranche ce qui devient, autour de Montauban, le Tarn et Garonne. Une subdivision qui n’est pas si arbitraire que cela. Montauban la citadine et la protestante avait peu à peu pris ses propres marques depuis sa création en 1144 par Alphonse 1er , comte de Toulouse. Déjà en 1637, la bastide d’origine est érigée en généralité. La ville plus indépendante, rebelle (en témoigne l’histoire revisitée des 400 coups), plus bourgeoise, regarde davantage vers le sud, quand, dès l’origine tout le Quercy regardait vers le nord, au grand dam des comtes de Toulouse leur suzerain

Une continuité dans l’Histoire

La Province tient son nom des Gaulois présents dans la région, déjà dans cette boucle du Lot. Cette peuplade celtique, les Cadurques, à l’étymologie incertaine, donnèrent leur nom à la civitas gallo-romaine ainsi qu’à sa subdivisassions administrative impériale qu’on nomme le diocèse. Translitération après translitération, le diocèse et la cité devinrent Cahors. Le Quercy recouvre donc l’antique diocèse de Cahors, subdivision romaine, avant d’être entité catholique. Mais, bien que détachée de province à province, de comté à comté, le Quercy garda au fil du temps son unité autour de l’évêque de Cahors, homme fort de la région qui la réorganisa en différentes seigneuries ecclésiastiques, maillant ainsi le territoire de façon originale.
Au cœur des querelles religieuses cathares d’abords, réformées ensuite, la région n’est pas non plus épargnée par la peste noire, les famines et les luttes de pouvoir, notamment celles concernant leur suzerain de Toulouse, ou face aux Anglais, considérant cette terre de Guyenne, leur. Si le traité de Brétigny Calais signa la reddition du Quercy aux Anglais, on doit à Duguesclin sa reconquête pour Charles V. Intégrée au royaume de France par saint Louis, mais définitivement acquise qu’en 1472, le Quercy, appelé aussi Haute Guyenne, fit le choix assumé de Charles VII face aux Anglais et aux Bourguignons. Choix qui permet de renverser la balance en faveur du roi légitime.

Une région charnière, à la croisée des destins

Région éloignée du pouvoir, elle fut traversée par les rivalités des seigneurs féodaux et de leurs suzerains, par les excès de la croisade contre les cathares au point que c’est le roi qui temporisa par sa protection. Les paysans garderont tout au long de l’Histoire quercynoise une farouche indépendance rebelle. Les jacqueries ne manquent pas. Si la plus célèbre est la révolte des croquants (1594 et 1624), les révoltes anti féodales durant la révolution furent également violentes.

La région qui nous concerne, pour les vins de Cahors, est donc ce Haut Quercy tourné vers le royaume de France, catholique et paysan, seigneurial et indépendant. Grand lieu de pouvoir, constellation d’abbayes et de prieurés, le diocèse de Cahors avait même son université ou étudia le grand Fénelon (depuis nom d’un cocktail délicieux). Si la région semble aujourd’hui déserte et endormie, elle garde probablement la physionomie de sa grandeur, sereine et mouvementée, retirée autant que point de bascule. Se promener dans la région, sillonner entre causses et rivières, forêts et cirques naturels avant d’atteindre le prochain village perché ou fortifié est une véritable plongée dans l’Histoire de laquelle on ne serait pas surpris de voir surgir d’un pont un paysan révolté, fourche en main, un seigneur chevauchant brides abattues jusqu’à son donjon, des moines desservants les villages ou Duguesclin à la reconquête de la province.

Cet article est écrit dans le cadre de l’oenoguide sur les vins de Cahors à paraître prochainement

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Charles Montmasson

Docteur en histoire, Charles Montmasson est un médiéviste passionné, spécialiste des XIII-XVèmes siècles et de la Normandie ducale