Le dernier des Beaujolais
Si le titre de sire de Beaujeu survit à la famille des Guichard, bien au-delà de l’extinction de la lignée directe, la suite des successions dynastiques et des titulatures de leurs possessions historiques peut sembler plus complexe à suivre, d’autant que les noms se croisent et s’entrecroisent à diverses époques, sans pour autant conserver les mêmes rapports. Ainsi, la seigneurie de Beaujeu échoua-t-elle aux ducs de Montpensier, un temps sire, un autre baron, ou des siècles plus tard simple frère du détenteur légitime de la titulature.
En réalité, tout est simple jusqu’à Pierre et Anne de Beaujeu, c’est-à-dire, tant que la Couronne n’est concernée que de loin. Mais avoir fait entrer la fille du puissant Louis XI dans la famille de Beaujeu a profondément changé l’histoire de cette seigneurie qui depuis longtemps ne cessait de se rapprocher du trône. Par jeu de succession, Pierre de Beaujeu récupère la plus puissante principauté du Royaume en devenant duc de Bourbon. La célèbre trahison du connétable de Bourbon, gendre d’Anne, conduit à la confiscation, manigancée par la mère de François Ier, nièce d’Anne, de ses terres, dont l’ancienne seigneurie de Beaujeu, principauté des Dombes et du Forez, en 1522. Cet ensemble restera dans la main directe des Valois moins de 40 ans, puisque François Ier la rendra au neveu du connétable, le duc de Montpensier, son propre neveu également. Louis III de Montpensier est titré sire de Beaujeu et princes des Dombes. C’est son petit-fils, Henri de Montpensier qui sera titré pour la première fois baron de Beaujolais après 1582. Décédé à l’âge de 34 ans, ses biens reviennent à son unique fille Marie de Montpensier qui ne semble pas avoir porté d’autre titre que celui de Duchesse de Montpensier et princesse souveraine des Dombes. Elle épouse Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII dont elle aura une fille, la célèbre Grande Mademoiselle, cousine fantasque et chérie de Louis XIV qui portera le titre de Dame de Beaujeu. A sa mort, l’intégralité de ses biens reviennent à la Couronne et le titre de baron de Beaujolais sera remis par le roi au cousin de la Grande Mademoiselle, Monsieur, frère du roi, Gaston d’Orléans. Le titre entre alors dans le giron des princes d’Orléans en 1693. Sa petite fille sera appelée Mademoiselle de Beaujolais, le titre devenant une des titulatures des enfants du princes. Le Régent ne porte pas le titre comme titulature officielle. C’est Philippe-égalité qui, par autorisation royale, donnera à son fils, Louis Charles d’Orléans, le titre de comte de Beaujolais, le dernier des Beaujolais. A la révolution, âgé de 12 ans, il voit passer la tête de sa tante sur une pique, sous ses fenêtres ; incarcéré à Marseille, avec son frère, le duc de Montpensier, les conditions de détentions et de terreur qu’il subit (racontées par Montpensier dans ses mémoires), transforment ce jeune homme destiné aux ordres. Une éducation inachevée du fait de la révolution, une vie traumatisée, il finira avec ses frères (dont le futur Louis-Philippe) en Angleterre. Une vie de boisson et de débauche gâtée par la tuberculose contractée, comme Montpensier, en prison. Espérant le tirer de ses travers et le soigner, Louis-Philippe, toujours en exil, l’emmène à malte où il meurt en 1808. Le titre ne sera plus porté. Seule la dernière fille de Louis-Phillipe, Clémence d’Orléans sera appelée jusqu’en 1830, Mademoiselle de Beaujolais.
C’est pour ces raisons de titulatures dynastiques que les rues qui entourent le palais royal à Paris, résidence des Princes d’Orléans, portent le nom de Montpensier, Beaujolais…
Cet article a été écrit pour l‘Almanach du Beaujolais 2023
Notre illustration Louis-Charles d’Orléans, comte de Beaujolais par Charles-François Phelippes (v. 1838, château de Versailles).