Quand le talent se joue, il se découvre à Belle-Ile.
Une heureuse nouveauté a vu le jour cette année au Festival Lyrique de Belle-Ile. A côté du grand opéra, en plus de la soirée des jeunes talents, en marge des master-class, Debi Wong a mis en scène ces jeunes premiers dans une succession de scénettes d’opéra de très grande qualité. Conçu comme un même livret, « des bons et des brutes » tisse plusieurs extraits de grands opéras autour d’une thématique commune, celle des sorcières, des démons, des héros et des dieux.
Une mise en scène d’une profonde sobriété ou d’une sobre profondeur (on ne sait que choisir tant l’osmose des deux était un envoûtement) et une interprétation musicale qui réussit la gageure de rendre à chaque air son style et son époque sans rompre l’unité scénique et musicale du « livret ».
Il eut été si facile de ne faire que du romantisme et (travers fréquent) entendre Didon et Enée comme on donne Cendrillon de Rossini. Mais non, ces jeunes artistes, dont certains sont déjà des habitués de la scène belle-isloise, se sont investis pleinement dans la voix, dans le jeu, dans les émotions, du rire aux larmes, pour une soirée d’une rare qualité, d’une exceptionnelle tenue. Si l’on excepte quelques legati qui ont pu faire défaut, Papagano écrasant un peu Tamino, nous pouvons sans ambages affirmer que la pureté de cette soirée était au diapason du ciel étoilé qui attendait le public à la sortie de la salle Arletty. Faut-il les prendre un à un pour souligner les qualités propres à chacun ? L’exercice serait trop long quoiqu’il eût le mérite de faire revivre une soirée délicieuse et malheureusement éphémère. Si la technique était incontestablement présente, elle ne cherchait nullement à éblouir, mais à servir une partition aussi riche que variée. Toujours à propos, la compétence musicale se déployant du plus profond de la partition, s’exhalait en parfum d’émotion dans le jeu scénique qui savait tour à tour être dramatique, effrayé ou drôle.
Incontestablement, ici encore, perle à chaque instant cette signature belle-isloise, la connivence entre les artistes et l’équipe. Une complicité affectueuse qui réussit le miracle que peu de scènes professionnelles livrent au public. A Belle-Ile, définitivement, on ne donne pas un spectacle on le joue. Et on le joue, parce qu’on s’amuse entre amis à mettre son talent au service d’un public dès lors pris à parti et invité, à son tour, à entrer dans la danse.