Canicule, Louis XIV et William Christie : trois soleils à Auvers-sur-Oise
Alors que la ville d’Auvers-sur-Oise célèbre le cent cinquantième anniversaire de la venue de Van Gogh, le festival a reçu, « enfin » pour sa 35ème édition un autre monument de l’art et de la culture, en la personne de William Christie. Sous une chaleur accablante, mais dans la fraîcheur de l’église ancestrale, cinq jeunes solistes, Emmanuelle de Negri, Anna Reinold, Reinoud Van Mechelen, Cyril Auvity, Lisandro Abadie, se sont donné la réplique, accompagnés par les musiciens des « Arts Florissants » dirigés du clavecin par le maître.
Transporté, par l’excellence qu’on connaît de cette académie, en plein « grand siècle », le public, quoique étroitement resserré sur les vieilles chaises de paille de la paroisse, s’est littéralement envolé sous le charme et l’excellence des voix. Un jeu de nuances d’une perfection que n’égalait que la netteté d’une diction aussi exceptionnelle dans les tutti que dans les pianissimi feutrés des solistes.
Un ensemble parfaitement fluide, une excellence de l’ensemble toujours tenue ont servi une interprétation « d’époque » jusque dans la mise en scène, tissée comme un fil rouge unifiant des pièces d’apparence variée, mais intimement proches. Assurément, à l’heure où les jeunes chefs moquent l’hyperspécialisation de leurs aînés, William Christie reste un maître incontestable du sens profond d’une musique et d’une époque qui, quoiqu’on en dise, demeure toujours, pour le grand public, une plongée dans un autre monde.
Vendredi soir, Louis XIV était bien présent aux premières loges de cette nef médiévale, aux côtés de son Excellence, Monsieur de Pontoise, comme on eut dit alors. Charpentier, Moulinié, Camus, mais aussi Lambert, le beau-père de Lully, ont repris vie chacun dans son style, chaque forme dans son genre, et, oserai-je dire, libéré de l’oppressant carcan de Lully. Des œuvres diverses, d’un répertoire et d’une école aux nuances subtiles, mais certaines ont pris corps chacune dans leur registre. Poème, danse, ouverture, pastorale se sont enchaînés avec la continuité d’une suite sans jamais perdre l’éclat propre à chacun, formant, dans cette église, comme une rosace multicolore éclairée d’un même soleil devant lequel le roi lui-même aurait pu pâlir.