Sonnet pour une langue en péril
Dans ce sonnet, admirable d’équilibre et de poésie, Benoît Jeanjean, professeur à l’Université de Bretagne Occidentale et amoureux de la langue française, nous fait découvrir le sens caché des mots. Comme Du Bellay qui prônait l’enrichissement du français par le latin et le grec, nous pensons nous aussi que les langues anciennes irriguent notre langue, la rendent vivante et lui confèrent sa part d’universalité.
Il est vrai que souvent les antiques vestiges
Blocs désarticulés là gisant au hasard
Nous paraissent muets ; et leurs pierres sans fard
Aphones dénudées ont perdu tout prestige
Mais si la nostalgie à leur vue nous afflige
Attendons qu’à la nuit sur ces cailloux épars
Des faisceaux projetés offrent à nos regards
La beauté étonnée qu’une lumière érige.
Notre langue est pareille à ces ruines antiques
Emplie de mots curieux, drôles, énigmatiques
Aux racines tombées lointaines dans l’oubli
Orpheline elle ne trouve sa plénitude
Que si considérées avec sollicitude
Les langues du passé éclairent ses replis.
Benoît Jeanjean