Liberté religieuse (2/4) Cohésion religieuse et survie de la cité

Liberté religieuse (2/4) Cohésion religieuse et survie de la cité

L’Empire romain qui englobe à la fin IIIe siècle le bassin méditerranéen et de vastes contrées qui l’entourent, se pense comme l’oikouménè, la totalité du monde habité et civilisé. Comme dans toute société antique, le politique et le religieux y sont totalement intriqués.

 

1. La participation aux rites qui entretiennent le bon accord entre les dieux officiels protecteurs de la cité, garantit  la protection des dieux et donc la felicitas pour les hommes, ne relève pas d’un choix personnel. C’est ainsi qu’est manifestée la pietas ; ce n’est en rien une adhésion de foi. En sont seuls exemptés les juifs, monothéistes stricts ; depuis César ils jouissent du privilège d’être dispensés du culte officiel, mais doivent prier leur dieu pour le salut de l’empire et de l’empereur

Ceux qui refusent de participer aux cultes publics sont considérés comme des traîtres, qui mettent en péril le salut commun. Cette logique de cohérence politico-religieuse a pour conséquence la répression qui frappe les opposants religieux perçus comme de mauvais citoyens ; d’autant que depuis 212, tous les habitants libres de l’Empire sont citoyens romains.

 

2 . Les chrétiens du Ier au IIIe siècle

 

Les chrétiens qui dès les premières décennies ne sont pas confondus avec les juifs, apparaissent comme une troisième race d’athées, alors qu’ils se sont toujours présentés comme de bons citoyens ou des sujets loyaux de l’Empire ; ce ne sont pas des contestataires politiques. Ils adhèrent à la culture et aux valeurs du monde romain. Ils se veulent Romains et chrétiens et à ce titre ils affirment leur soumission aux autorités ; ils prient Dieu, source de tout pouvoir, pour l’Empire et pour l’empereur, même quand ils sont persécutés. Mais leur monothéisme exclusif, fondé sur une adhésion de foi par choix personnel, ne pouvait composer avec la religion traditionnelle et le culte impérial.

Condamnés comme incendiaires à Rome en 64, les chrétiens sont perçus, selon Tacite, comme adeptes d’une superstition nouvelle et dangereuse. Ils sont accusés de « haine du genre humain » et suspectés de commettre toutes sortes de crimes

Néanmoins une jurisprudence s’était établie au début du IIe siècle : il n’y a ni à les rechercher, ni à tenir compte des dénonciations anonymes, mais que s’ils sont amenés au tribunal, il faut les juger. Tout suspect qui accepte de sacrifier est absous, mais celui qui refuse est puni de mort. Ce ne sont pas les crimes  qui sont punis, mais le fait d’être chrétien qui s’exprime par le refus de sacrifier.

martyre- de Cyprien

Jusqu’au milieu du IIIe siècle, les chrétiens sont victimes de persécutions ponctuelles et localisées. Entre 250 et 260, ils subissent une répression générale. Fin 249, l’empereur Dèce ordonne une mesure de salut public sous la forme d’une supplicatio générale : tous les citoyens et leur famille doivent participer à une démarche religieuse collective sous la forme d’un acte de culte : sacrifice, libation, offrande d’encens, consommation de viande de sacrifice. L’application a lieu de janvier à l’été 250. Il y eut des martyrs, il y eut des apostats, il y eut des chrétiens qui parvinrent à fuir.

En 257-8, il y eut véritablement des mesures de persécution des chrétiens, pour apaiser la colère des dieux, dans le cadre d’une situation devenue particulièrement désastreuse. En 260, l’empereur Gallien fait preuve de réalisme politique par un édit de tolérance (non parvenu) qui instaure la « petite paix de l’Église » : les chrétiens peuvent récupérer leurs lieux de culte ce qui implique une reconnaissance de fait de leurs réunions cultuelles, ainsi que leurs cimetières. Juridiquement leurs communautés sont assimilées à des collèges. Mais rien ne dit que la religion chrétienne est licite et rien ne dispense officiellement les chrétiens de participer aux cultes publics. Néanmoins durant quarante ans ils bénéficient d’une période de tranquillité et de la bienveillance de certains empereurs.

 

 

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Françoise Thelamon

Françoise Thelamon

Agrégée d’Histoire et géographie. docteur es Lettres et ancienne élève de Henri-Irénée Marrou, Françoise Thélamon est professeur émérite en histoire de l'antiquité à l'Université de Rouen. Spécialiste de l'histoire du christianisme et en particulier de Ruffin d'Aquilée, elle est présidente de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Rouen.